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jeudi 30 juin 2011

NAFISSATOU DIALLO, LA ROSA PARKS DE LA SÉGRÉGATION… SEXUELLE ?




Gloup: Rosa Parks refuse de céder sa place à un homme blanc dans un bus, puis conteste l'amende qui s'en suit en allant au procès. Ce sera le début de la lutte pour les droits civiques des Noirs aux USA.

Nafissatou Diallo me semble vouloir aller jusqu'au bout elle aussi. (Un homme blanc, par son présumé crime de violence sexuelle, aurait signifié à Nafissatou Diallo que son existence sur terre ne mérite aucun respect.)

Nafissatou comprend surtout l'énorme enjeu : victime bien malgré elle d'une injustice révoltante parce qu'elle est une femme - femme de chambre qui plus est, et donc subalterne aux yeux des hommes - elle n'accepte pas, quitte à aller jusqu'au procès, tout comme Rosa Parks. Elle est courageuse, très courageuse. Par l'intermédiaire de son avocat , elle fait comprendre qu'elle souhaite se battre pour toutes les femmes qui ont subi des violences sexuelles, et ont dû se taire.

Nous pourrions assister à une véritable révolution dans les consciences. Nafissatou, par son histoire - elle est issue d'une communauté victime de guerre civile, dans laquelle les viols furent de masse - est en position de devenir une véritable héroïne : en défendant tout simplement sa dignité d’être humain, elle fera avancer les droits des femmes dans le monde entier !



Vatapa: Nafissatou, une nouvelle Rosa Parks? Oui, pour ce qui est du symbole de la personne modeste, assise quasi invisible dans un coin de notre société, face à l’homme puissant, debout sous les spots. Curieuse inversion si l’on songe à l’histoire de celle qui refusa de se lever pour être enfin considérée, elle aussi, comme une personne debout.

Et Madame Parks se leva, en choisissant de rester assise.

Nafissatou, c’est accroupie qu’elle fut trouvée dans un coin de réduit, dit-on, mais Madame Diallo se redressa dans toute sa dignité pour se laver de la honte infligée. Si les faits sont avérés, elle n’a pas fini de la frotter, sa honte, sous l’eau de la glaciale solitude qui est désormais sienne. Mais pas question de se taire : elle luttera jusqu’au bout pour défendre son honneur, quels que soient la puissance, l’argent et l’influence de son présumé agresseur, dixit son nouvel avocat Maître Thompson.

Oui, nous sommes toutes femmes de chambre, et avec Madame Diallo nous tenons à nous lever pour celles qui n’ont d’autre choix, d’autre force que de rester encore accroupies, dans le glacial et sombre silence où on les réduit. N’en déplaise à certains qui volontiers crient au danger du grand déballage, au respect de la vie privée et de la présomption d’innocence, au jugement facile de symboles au détriment des individus, à l’allégorie douteuse, à la menace du moralisme puritain, à la ronde nécessaire et si charmante de la séduction, quitte à ce qu'elle devienne lourde... parfois...

Toutes femmes de chambre debout de pied ferme, au risque de voir encore des maîtres en dérapage pris de vitesse dans la pente de leur hypocrisie. La victime présumée, elle, est surtout présumée menteuse. Alors pardon de rétablir un peu l'équilibre.

Il se trouve que Nafissatou Diallo, en plus, est noire, comme Rosa Parks. Autre temps, autre contexte… autre combat ? Pas tant que ça.

Madame Parks était "travailleuse et discrète", tout comme Madame Diallo. Elle eût sans doute préféré ne pas avoir à lutter pour ses droits. Elle est pourtant devenue la "mère du mouvement des droits civiques".

Ce n’est pas tant que l’affaire DSK libère la parole. C'est que les Madame Parks et Diallo remuent et aiguillonnent les consciences, les font plonger dans des profondeurs qu'on ne saurait voir. 


L'inquisition morale semble effrayer bien du monde tout à coup, là où les inquisiteurs d'intimité féminine ont encore beau jeu. La ségrégation et la domination avaient le champ libre, quand d'anciens maîtres regrettaient les travailleurs dans leurs champs. Le labeur s'éternise, sous des cieux pas si nouveaux.

Nafissatou Diallo n’a pas demandé à finir sa vie en tragédie grecque. Ni à être mondialement connue. Mais elle aura bientôt un visage, comme Rosa Parks.


Nous voici tous sous les spots à présent.  Les peurs tues tueront moins.
Nous voici tous sous les spots à présent.

Euterpe: Rosa Parks fut l'une des plus importantes icônes de la lutte contre la ségrégation raciale dans les années 1950/60. Notre icône de la résistance à la ségrégation sexuelle vient de se faire connaître à nous. Il s'agit de Nafissatou Diallo, la Martine Dupont de l'immigration tant son nom est ordinaire, le modèle absolu de la femme modeste, pauvre et sans histoire telle que le sexisme les aime. Confrontée à une agression sexiste ordinaire comme en subissent des millions de femmes partout dans le monde sans même oser en parler, elle ne s'est pas dit "il faut subir et se taire, car aux tout-puissants tout est permis". Elle a réagi comme une personne entière, exprimant spontanément tout le dégoût et le désespoir de quelqu'un qui ne se trahit pas soi-même.


Déjà Marie-Georges Buffet réclame une loi antisexiste, les femmes politiques se mettent à parler, Tron est viré du gouvernement sans qu'une quelconque présomption d'innocence soit invoquée, des voix s'élèvent de partout. Le monde ne sera plus comme avant. Une loi contre le sexisme est sur le point d'être votée ! Vive la Rosa Parks de la ségrégation sexuelle !

Nous ne laisserons plus prendre notre place, nous non plus, par l'arrogante masculinité qui s'arroge toutes les richesses du monde pour pouvoir nous asservir sexuellement ou autre. Nous ne sommes pas nées pour nous faire houspiller et maltraiter par l'autre sexe de notre espèce. Ce sexe qui se prétend dominant et qui s'autorise tous les mépris, toutes les maltraitances. La discrimination doit cesser, les hommes devenir des femmes comme les autres. Aucun sexe ne doit plus dominer l'autre, nulle part.


Héloïse: L'une était couturière, l'autre est femme de ménage. Il y a là l'idée que les grands changements dans les sociétés ne viennent pas forcément de ceux auxquels on penserait (cf. les Grands Zhôms). L'idée aussi que le pouvoir, la richesse ne sont rien, parfois, face à la détermination et la colère des plus modestes.

Mauvaise herbe: A l'instar de Rosa Parks, figure emblématique de la lutte contre la ségrégation raciale, Nafissatou Diallo en refusant de s'asseoir à l'arrière du bus de l'histoire où sont depuis toujours relégués tous ces destins ordinaires de femmes violées, tient à son tour un rôle initiateur dans la prise de conscience mondiale des violences faites aux femmes. Pour les femmes du monde entier il y avait un avant Nafissatou Diallo , à nous toutes de tracer, en unissant nos voix à celle de cette femme de courage, la voie d'un après.



5 commentaires:

  1. Un demi siècle après Rosa Parks, Obama est élu président.

    Mais au même moment, les enfants de Rosa Parks sont embastillés comme rarement. (10% des jeunes noirs sont en prison) et l'immense majorité des boulots de merde sont assurés par les noirs, et parmi eux les propres descendants de Rosa Parks.

    La route est encore longue.

    PS: Le scandale cité sur le lien permet à lui seul d'agglomérer plusieurs luttes (viol, précarité, logement, discriminations)
    Presque toutes sont liées avec les luttes féministes.

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  2. A PacoB : en effet, pour la discrimination raciale ce n'est pas gagné mais elle est obligée de taire son nom. Au temps de Rosa Parks, elle s'exercait au grand jour et comme s'il s'était agi d'une chose normale. C'est le cas du sexisme aujourd'hui.

    Pour l'affaire qui nous occupe : jamais auparavant, c'est un fait, le lien qui existe entre le viol et la pauvreté et ses corollaires n'avait été aussi apparent. Ce scandale a réellement mis cette vérité complétement à nu ! Difficile maintenant au monde d'ignorer cela et de continuer à discréditer les luttes féministes. Elles en sortent plus que légitimées.

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  3. @Euterpe

    Non seulement les luttes féministes ne doivent plus être discréditées, mais elles doivent dépasser le cadre féministe femme contre homme, et être au centre d'une lutte plus générale la lutte des classes. A nous femmes et hommes féministes d'y traailler.

    Ma mère, misérable émigrée chassée de sa terre natale par le capital (multinationale hydro-électrique), puis chassée de l'école à 11 ans par la faim avait compris intuitivement que l'amalgame de discriminations qu'elle subissait s'ajoutait pour toutes faciliter à son exploitationn, sa domination.
    C'est l'héritage qu'elle m'a transmis, et que j'essaye de faire vivre.
    Ne pas saisir le lien fait un immense plaisir à Laurence Parisot, cette apôtre de la précarité (essentiellement féminine), cette ennemie jurée du féminisme.
    Une véritable fausse-amie, qui divise pour mieux dominer.

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  4. @PacoB
    vous dites : "le cadre féministe femme contre homme"

    Ce prétendu "cadre" n'est pas celui du féminisme. Le féminisme n'a jamais été un combat "femme contre homme."

    Cette interprétation du féminisme qui est la vôtre, n'est qu'une lecture totalement fausse issue de l'intoxication du masculinite.

    Le féminisme est, et a toujours été, un humanisme. C'est un combat POUR la dignité des femmes, POUR le respect de leurs droits de personnes humaines.

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  5. Le combat du féminisme, c'est droits de femme ! Et vivent les hommes qui nous épaulent et prouvent l'humanisme jusqu'au bout !

    Apartheid & ségrégation sexiste toujours à l'oeuvre que ce soit sur afroaméricaines, européennes, eurasiennes, asiatiques, africaines, océaniennes, arctiques, toutes ! Toutes soeurs des femmes de ménage - D'ailleurs, laquelle n'époussette pas un tantinet ?

    J'ai même vu des coiffes pour protéger les cheveux de la poussière au JO 30ème, quelques femmes de ménage en handicap sur le terrain du sport, encapuchonnée et enchaperonnée.

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