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jeudi 11 août 2011

Toujours à propos de la plainte au civil

Affaire DSK : plainte au civil

par Imhotep

Les avocats de la femme de chambre, plaignante contre DSK pour agression sexuelle, séquestration, tentative de viol et autres, ont décidé de porter plainte au civil ce qui a eu pour effet immédiat de la part des avocats de ce dernier de vouloir entacher un peu plus l'image de celle qui a porté plainte via ses avocats : elle est vénale. Que ces avocats-là le fassent, c'est déjà évidemment du ressort du proverbe faire flèche de tout bois, y compris si ce bois est pourri et tordu, d'autant qu'il ne faut jamais oublier qu'un de ceux-ci est celui de la mafia, et dans ce sens cela se comprend, mais que la presse ne fasse quasi que cet écho sans regarder plus loin est immonde, car il faut analyser ce dépôt de plainte un peu plus en profondeur. La conclusion qui s'ajoute à cette accusation de vénalité est souvent que Vance va abandonner le 23 août prochain les charges contre DSK.

Le 8 août, les avocats de la femme de chambre ont donc décidé de porter plainte au civil contre DSK pour obtenir réparation d'un préjudice tant physique que moral, pour la perte d'emploi et l'impossibilité de continuer à travailler, pour les frais engagés tant du passé que du futur, tant judiciaires que médicaux. C'est la première fois que la fille de la femme de chambre est associée aux préjudices.

La réaction des avocats de DSK ne s'est pas fait attendre : la femme de chambre est vénale. Point. C'est donc la raison de son action en justice et cela a toujours été le cas. Ces avocats sont extraordinairement sobres quand il s'agit de DSK : aucune explication circonstanciée des faits, aucune raison donnée pour l'acceptation volontaire de l'acte sexuel, aucune raison pour avoir quitté la chambre, juste, après l'avoir nié, il y a eu une relation sexuelle consentie. Juste cela. Et bien sûr une attaque en règle de la crédibilité de la femme de chambre dont ce dernier épisode. Les journalistes quant à eux reprennent en chœur cet argumentation de vénalité sans aller plus loin. La seule analyse qu'ils fassent est que c'est parce que les avocats de la femme de chambre savent ou pensent que Vance va abandonner les poursuites qu'ils agissent en déposant cette plainte (bien sûr eux aussi sont vénaux).

Ces bons journalistes n'étudient même pas le contenu de cette plainte qui fait 16 pages (et non 17 comme je l'ai lu ou entendu ce qui prouve à quel point ce sont d'outrageantes faignasses). Ils auraient été bien inspirés de l'étudier car cela nous apprend pour le moins ce qu'elle contient et que ceci est intéressant à analyser.

Tout d'abord dans cette plainte (mise en pdf à la fin de l'article ou téléchargeable ici) il y a une attaque virulente contre le cabinet du procureur Vance en deux endroits :

1- page 3 et 4 paragraphe 9 cet acte accuse que des fuites venant apparemment de membres du cabinet du procureur ont permis de diffuser dans les media de fausses informations faisant de la femme de chambre une menteuse pathologique, une professionnelle et une femme qui aurait préparé « un plan pour attraper un mec riche ».

2- page 8 paragraphe 27 on peut lire qu'à aucun moment contrairement à ce qui a été dit, elle n'est retournée nettoyer - attention en anglais go back and clean, ne veut pas dire l'un et l'autre (retourner et nettoyer) mais retourner nettoyer le and n'a pas vocation ici de conjonction de coordination - la suite 2820 (l'agression est située dans la 2806) ce qu'elle avait fait avant d'entrer dans la 2806.

Les avocats de la femme de chambre démontent dans cette plainte les deux seuls arguments qui auraient une certaine validité contre la femme de chambre.

Mais ils n'oublient pas non plus le cabinet d'avocats de DSK dans le paragraphe 10 page 4 où il accusent ces avocats d'avoir sciemment diffusé des informations diffamatoires dans le New York Post (qui a affirmé que la femme de chambre était une prostituée d'après les enquêteurs des avocats de DSK).

Cette plainte décrit à nouveau, selon la femme de chambre et ses avocats, les attaques subies par elle. Elle précise aussi qu'elle a été crue par les différents intervenants des employés du Sofitel aux enquêteurs en passant par les employés de l'hôpital. Elle rappelle que des photos ont été prises des rougeurs de la zone vaginale de la femme de chambre confirmant qu'elle ne savait qui était DSK, juste un homme aux cheveux blancs

On y trouve, selon cette plainte, aussi que les vidéos montrent DSK avec encore du dentifrice à l'extérieur de la bouche ce qui prouve sa précipitation, tout comme son oubli de portable, qu'il s'est précipité agité et nerveux dans un taxi pour aller à un court déjeuner avec sa fille, sorte de déjeuner alibi, et qu'enfin il a téléphoné à Anne Sinclair déclarant qu'il avait un sérieux problème à New York (paragraphes 28 et 29 page 9). On croit comprendre dans cette partie de la plainte que les avocats accusent DSK d'avoir voulu se forger un alibi. Dans ces deux paragraphes, ils le présentent comme un vulgaire criminel qui fuit le plus vite possible de peur d'être arrêter dans l'hôtel. Ici on peut suggérer que comme il n'a pas été arrêté (dans l'hypothèse de cette plainte) que peu à peu il se détend et comme il a été dans le passé blanchi, par exemple pour l'affaire Piroska Nagy, et que pour Tristane Banon il n'y avait même pas eu plainte à l'époque (dans le cas d'agression avérée) et qu'une omerta absolue de la presse française le protège de toutes ses frasques, il peut se croire tout puissant et intouchable, venant même d'échapper à nouveau à un sérieux problème, une bonne étoile veillant sur lui. Ce qui, plus le temps passant, lui fait dire « quel beau cul », assez décontracté et détestablement incorrigible en parlant d'une hôtesse de l'air.

Par ailleurs, pour confirmer quel est l'état d'esprit de DSK cette plainte dit que dans l'avion DSK dit suffisamment fort pour que d'autres passagers l'entendent à propos d'une hôtesse de l'air (en français dans la plainte avec sa traduction) « quel beau cul » comme dit plus haut (paragraphe 30 page 9). Lors du procès il y aura d'autres témoignages afin de prouver que tout ceci ne peut être une erreur ou un accident. Ces témoignages incluent mais non limitativement (apragraphe 37 page 10) d'autres femmes 1 attaquées dans des hôtels au travers le monde, 2 dans des appartements utilisés pour ses crimes 3 travaillant avec lui et étant obligées à des relations sexuelles à cause de son pouvoir et 4 qu'au travail même où il leur a fait des remarques sexuelles inappropriées ou a tenté de les forcer à avoir des rapports sexuels avec lui.

On le voit cette fois-ci tout le périphérique de cette affaire qui concerne DSK va être utilisé. Les avocats de la femme de chambre affirment qu'ils ont des témoignages. Le Figaro : Un des avocats de Nafissatou Diallo, la femme de chambre qui accuse Dominique Strauss-Kahn de l'avoir violée, a affirmé que de "nombreuses femmes" s'étaient plaintes du comportement de l'ancien patron du Fonds monétaire international à leur égard.

Au cours d'une interview accordée à la chaîne France 24, Doug Wigdor, l'un des avocats de Mme Diallo, a dit : "Nous avons parlé à de nombreuses femmes qui nous ont raconté ce qu'il leur avait fait, physiquement et psychologiquement".

Me Wigdor a par ailleurs assuré : "lors du procès nous allons tenter d'exposer ces preuves pour montrer sa motivation et l'absence de consentement" de Nafissatou Diallo, qui accuse DSK de l'avoir agressée sexuellement le 14 mai dans une suite de l'hôtel Sofitel de New York.

Venons en au cœur du problème de cette plainte. Selon les avocats de DSK, et nombre de journalistes, elle prouverait que la femme de chambre est vénale. Tout d'abord on peut dire, et alors ? Est-ce que cela change le fait en lui-même ? Mais en réalité cela n'est pas cela qu'ils veulent dire. Ils veulent insinuer que la femme de chambre aurait en fait tout planifié et piégé DSK pour lui soutirer de l'argent. Que les avocats le fassent, on le comprend sans l'approuver, mais que les journalistes les fassent, là c'est plus problématique. En effet tout est dans la chronologie. Si c'est un plan il faut qu'une chose soit certaine : que la femme de chambre sache qui est DSK et surtout qu'il est dans la suite. Or tout semble prouver tout d'abord qu'elle ne savait pas qui était DSK (l'hôpital l'a confirmé) mais ce qui est incontestable selon le témoignage du garçon d'étage c'est qu'elle ignorait que DSK était dans la chambre. Comment alors ce plan est-il possible ? Ce plan de ce fait est impossible. Il faut donc passer au plan B. Ce serait une prostituée mais les avocats de DSK ont déclaré qu'ils n'y avait été à aucun moment question d'argent. Passons au plan C : la relation est consentie. Mais alors : Pourquoi quitte-t-elle la chambre ? Pourquoi crache-t-elle le sperme sur les murs et la moquette là où, mêlé à de la salive il a été retrouvé ? Pourquoi ces rougeurs photographiées dans la région du vagin ?

Ce qui est extraordinaire c'est que les faits en eux-mêmes à nouveau ne comptent plus. Si le fait qu'un plan est impossible (ce que prouve le témoignage du garçon d'étage), il ne reste que deux solutions. Ce n'est plus DSK qui profite de l'occasion mais la femme de chambre, accepte de faire une fellation pour le piéger, mais alors il faut expliquer à nouveau pourquoi elle crache car alors DSK se rendrait compte immédiatement du problème, pourquoi il y a du sperme sur son uniforme alors qu'elle doit travailler ensuite, il faut aussi se demander pourquoi alors elle n'appelle pas immédiatement la sécurité de l'hôtel pour faire retenir DSK et n'appelle pas immédiatement la police alors qu'on sait qu'elle n'a cessé de répéter qu'elle ne voulait pas perdre son emploi et que ce n'est pas elle, mais une heure après le responsable de la sécurité de l'hôtel qui a appelé la police. Tout cela pose un problème de cohérence. Même plus ,comment peut-elle être sûre que la justice va lui donner raison ? Elle sans argent contre un homme fortuné, puisqu'elle le sait riche dans cette hypothèse ? Soit c'est elle qui veut « profiter » la déclarant vénale de son agression sexuelle. Mais dans ce cas-là, cela ne change en rien le fait-même de l'agression. Cependant dans cette troisième solution pourquoi n'a-t-elle pas porté plainte au civil plus tôt ? Pourquoi alors selon ses avocats a-t-elle repoussé violemment et immédiatement les demandes de son ami incarcéré de tirer profit de cette agression lors des conversations téléphoniques enregistrées ?

Ce qu'il y a aussi surprenant dans cette histoire c'est, outre le fait que si elle est victime elle mérite une compensation, que cette remarque de vénalité fait complètement fi d'un fait certain est réel : elle ne pourrait toucher quoi que ce soit que si le procès au civil est gagné. Incroyable non on oublie ce fait majeur : que si elle gagne ! Or si elle gagne c'est que DSK est jugé coupable, non ? Tout, toujours dans cette histoire est affaire de périphérie. On oublie toujours l'essentiel : l'agression. Vénalité ou pas, elle ne touchera que s'il y a condamnation. C'est pourtant limpide.

Je vais émettre une autre hypothèse. Ce n'est pas parce que les avocats savent que Vance va abandonner les poursuites, même s'ils le soupçonnent, qu'ils ont porté plainte au civil mais c'est aussi pour mettre une pression supplémentaire sur Vance. En effet, ici on ne voit cette plainte que dans un sens : Vance va abandonner les poursuites. Et donc ? En quoi cela pousserait ces avocats à porter plainte maintenant tout en sachant que cela servira d'arguments aux avocats de DSK ? Ils peuvent attendre le non lieu et porter plainte ensuite. De toutes façons, d'après ce que j'ai lu, le procès au civil ne peut avoir lieu qu'après celui au pénal pour éviter de perturber ce procès pénal. Donc quel intérêt ? En revanche en portant plainte au civil les avocats de la femme de chambre agissent en contre-pied. Tout d'abord ils décrivent l'agression selon eux. Cette description sera dans toute la presse, mais avec un cachet officiel, celui de la plainte. Du reste ce qui n'a pas été relevé c'es que les avocats n'ont pas dit qu'il y aurait non lieu dans ce procès-ci, ni que c'était faux. Ils ont juste dit que c'était pour se faire du fric. Technique habituelle du prestidigitateur qui détourne l'attention du sujet principal et fait croire qu'une colombe apparaît magiquement. On doit se demander pourquoi ces avocats qui ont toujours dit qu'il y aurait un non lieu au pénal ne font pas ces mêmes affirmations pour le civil. On ne peut être innocent au pénal et coupable au civil (je parle pas ici de la réalité juridique, car c'est possible, mais de la réalité de l'agression si elle a eu lieu). Cette incohérence n'est pas relevée par les journalistes. Ils ne relèvent que la vénalité de la femme de chambre, sans tenir compte ni de la chronologie, ni des faits, ni de la normalité d'une compensation, la vénalité tout comme les mensonges périphériques de l'affaire occultent dans leur cerveau embrumé le fait en lui-même. On aura donc ainsi une version officialisée et publique, sans parasites. Mais à cette version s'ajoute maintenant le fait qu'il y a d'autres témoignages, car si ceux-ci sont difficilement utilisables par le procureur ils le sont bien plus facilement par les avocats de la femme de chambre au civil. On imagine bien maintenant dans quelles situation se trouve le procureur. S'il abandonne il sera accusé d'avoir eu peur de perdre, peur d'un puissant, alors que la version de l'agression est assez désastreuse pour DSK, qu'il y a d'autres témoignages et que peut-être certains paraîtront dans la presse, que les attaques contre la femme de chambre sont mensongers concernant sa vénalité - et pire les fuites venant de son cabinet ce dont il devra s'expliquer, fuites mensongères - et de même pour la prostitution - source venant des enquêteurs des avocats de DSK. Si en plus le procès au civil est gagné ce sera la catastrophe pour lui. Je crois donc que ce dépôt de plainte maintenant, plutôt que plus tard, est pour forcer Vance à aller au procès.

lu sur agoravox
(Repéré et signalé à mon intention par Evelyne59)

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