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samedi 2 mars 2013

Viol verbal

Rape-joke, quand les virils font de l’humour …

Seth MacFarlane, for he’s a jolly good fellow, and so say all of them !

Le producteur-réalisateur Seth MacFarlane a animé les Oscars il y a quelques jours. Il a orchestré un festival de masculinades, dont le paroxysme était une chanson d’une misogynie violente. Il a interpellé parmi les plus grandes actrices, d’abord seul, puis commandant à un choeur entier d’hommes aussi rigolards que lui,  en leur lançant en chantant « We saw Your Boobs, You too, and You too …. » (« Seth MacFarlane and the Oscars’ Hostile, Ugly, Sexist Night« , The New-Yorker, 25.02.2013). Il s’agit d’abord d’une humiliation publique, particulièrement bien préparée (des images des actrices avaient été enregistrées, et diffusées par intervalle, pour faire croire que l’on voyait en direct leur réaction, et surtout l’une d’elles qui a été félicité pour n’avoir pas montré ses seins, et qui fait un geste de victoire). Le message est clair : « Ces actrices, toutes des Sexe et que ça« , la plus vieille insulte du patriarcat. Et « Voyez, y’a une petite maline, elle s’est fait baisée, elle ! ». Car il s’agit bien de ça : révéler aux femmes que le pacte officiel de non-agression qui entourerait la sexualité est un leurre, un pur mensonge, fait pour les détruire pendant et après les agressions, pendant en érotisant le mépris et la haine, après en leur fabriquant une réputation. La plus vieille technique du patriarcat pour contrôler, par la trique, la classe des femmes.
Mais la violence va plus loin. En fait, cette performance était bourrée de « rape-joke », d’humour viril sur le viol. Car beaucoup des scènes visées sont en fait des scènes de violences masculines, parfois des tortures.
Je repends des éléments de cet excellent article : We Saw Your Boobs” celebrates rape on film ?By Katie Mcdonough. 
Rape-JOKE 1 CHARLIZE THERON in “Monster”
Ce film est issu d’une histoire vraie, celle d’une femme, ayant enduré presque tout des violences masculines, et qui fut exécutée en Florida en 2002 pour avoir tué 6 hommes. La seule fois où on voit sa poitrine dans le film, en un éclair, c’est quand elle est dans la salle de bains, juste après un viol aggravé par un prostitueur. Elle examinait ses blessures.
Rape-JOKE 2 HALLE BERRY in “Monster’s Ball”
En 2010, Tim Wise, pour Radicalicious, commente ainsi les scenes que Seth qualifie de sexy : en gros Non seulement c’était une scène d’agression […] mais en plus, dans les yeux de beaucoup de gens, elle renvoyait à toute l’histoire des agressions perpétrées par les hommes blancs contre les femmes noires, et la sexualisation de ces femmes.
Rape-JOKE 3 HILARY SWANK in “Boys Don’t Cry”
Il faut savoir que ce film retrace l’histoire vraie d’une femme punie par deux hommes pour avoir adopté un mode de vie d’homme. Ils l’ont d’abord violée et rouée de coups, et, après sa plainte qui n’aboutît pas, ils l’ont traquée et tuée. Dans le film, on voit sa poitrine pendant son examen par le médecin légiste, après son viol aggravé.
Rape-JOKE 4 SCARLETT JOHANSSON in her real life
Cette actrice n’est pas dans la liste de Seth pour un de ses films. Mais pour les photos qui lui ont été volées et diffusée publiquement, sur internet, dans un acte de violation. UNe agression sexuelle réellement vécue par cette actrice.
Rape-JOKE 5 JODIE  FOSTER in The Accused
Quand Seth se paie la tête de Jodie Foster, en fait il parlait du film The Accused, qui est inspiré d’un fait réel de viol en réunion.

Un rape-joke. Pour l’exemple.

The Accused, c’est l’histoire romancé (car dans la vérité, la victime s’est suicidée après le procès) d’un vrai viol en réunion, avec actes de torture. Deux des accusés ont été poursuivis pour viols aggravés.
Sentences de prison : Daniel Silvia 9 à 12 ans ; Joseph Vieira, 6 à 8 ans ; John Cordeiro and Victor Raposo, 9 à 12 ans. Parmi les accusés, il y avait aussi Jose Medeiros et Virgilio Medeiros. Un des « témoins » non poursuivis : Carlos Machado

Un dérapage ?

La performance de Seth démontre une vérité sur les caractéristiques de la conscience dominante : les hommes connaissent parfaitement les rouages essentiels de leur système d’arnaque. Ils savent aussi quand les « révéler » aux victimes, pour les sidérer et leur montrer combien elles sont ferrées quoi qu’elles fassent … les faire rire là-dessus est un geste sadique de plus.
Les professionnels du cinéma savent que cette industrie est pour eux, pas pour elles. Elles, elles sont là pour subir. La persécution d’un serial killer, la chosification du héros de l’histoire, l’invasion sexuelle de tous les mâles environnants. Ils savent que l’alibi de « libération sexuelle » qui leur sert à dévêtir les actrices n’est qu’un tour de plus dans leur cercle infernal d’humiliations. Ce que Seth révèle est le cynisme dominant : « Mesdames, voues pensiez devenir « quelqu’un » en jouant selon nos règles du jeu ? Et non ! Et d’ailleurs, nous, on se met pas à poils pour être libres !« . « Mesdames, voues voulez faire du film politique ? En fait voues ne faites que du cul, car voues êtes le sexe« . On peut entrevoir ici le rire gras et viril que suscitent les FEMEN & autres SlutWalkers qui ont pris au mot le dominantEn faisant même comprendre que se mettre nue est le rôle unique que tiennent certaines dans tous leurs films [comme Kate Winslet selon Seth], il jette le soupçon d’incompétence et de coucherie sur les actrices. Dans un contexte où les actrices ne sont célébrées que pour leur beauté, et jamais pour un savoir-faire, ni même pour un savoir-faire en matière esthétique, ces gifles sont magistrales.
Les hommes en tant que classe prédatrice savent aussi que la meilleure manière de blanchir l’ampleur des violences sexuelles dans l’industrie est de jeter le soupçon sur les actrices elles mêmes : le fameux « elles couchent pour réussir » est l’arme principal pour nier les violences sexuelles à l’embauche et à l’avancement ; et ici, le « elles montrent leurs seins tout le temps » sert à nier les violences sur les plateaux de tournage. Enfin, chaque classe possédante a pour but de déposséder les subalternes, et si ces subalternes vivotent quand même, il s’agira de le leur faire payer et repayer. C’est pourquoi Seth s’est attaqué à des nominées et des oscarisées. En en faisant une série de « celles qui montrent leurs seins« , Seth a littéralement balayé les savoirs-faires de ces actrices. Or ces films plus que d’autres demandent une implication et une maîtrise de son art hors norme, ainsi qu’une résistance face aux violences réelles perpétrées sur les plateaux de tournage durant les scènes et autour.
Mais surtout, à quoi avons-noues assisté concernant la sortie sur Jodie Foster ou Charlize Theron ? A une vraie reprise en main virile de deux des seuls films qui aient été aussi réalistes sur les violences masculines sexuelles. Ce sont aussi des vrais succès populaires, qui ont touché beaucoup de femmes, le public cible, car elles doivent être prévenues de la dangerosité des hommes. Et enfin, ils montrent des femmes qui ont répliqué face à la violence masculine : l’une les a traînés en procès, l’autre les a tués. L’enjeu est donc important pour la clique virile, dont le souci principal est de camoufler et consolider ses civilisations bâties sur le viol et la terreur.
Enfin, on mesurera le sadisme viril qui s’étale sans complexe à la télé : Seth noues rappelle que même les images explicites de viol ne sont en fait que des images titillantes faites pour faire jouir ses copains. Cette décontraction serait un « dérapage » ? Non, non, pas à PornHell, où l’industrie du film est massivement pornographique. Or la pornographie n’est rien d’autre que nommer « sexy » des images de viols, presque toujours réels.
De fait, on vit dans le monde des Seth nains. Chaque pornophile (en France, les graçons regardent leur premier porno à 9 ans 10 mois) a ce même réflexe de voir « un corps » en chaque femme, nue ou habillée, non pas une présence ni un être, non, mais un « corps », comme un cadavre. La nudité est alors un même état de chose à prendre, qu’elle soit nue par désir ou à la suite d’une agression. De même, le porno-imbibé a ce même réflexe de n’entendre que preuve de jouissance dans le cri et la respiration saccadée, même quand ils sont arrachés sous l’effet des coups de pilon sur le corps d’une victime.
***

Plus la pornographisation des cerveaux virils avancera, plus les images issues de viols ou représentant des viols seront estampillés « sexe », plus le sadisme des hommes grandira.

Et l’histoire noues l’a appris à coups de génocides parfois éclairs : les propagandes haineuses relayées par les médias officiels préparent et étouffent des crimes de masse.

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Analyse féministe par Lynn S. Chancer de certaines suites politiques de l’affaire

New Bedford, Massachusetts, March 6, 1983- March 22, 1984- The ’’Before and after’’ of a Group Rape by Lynn S. Chancer 

Sur féministesradicales.org

2 commentaires:

  1. Cet article est très pertinent, et ce passage " La performance de Seth démontre une vérité sur les caractéristiques de la conscience dominante : les hommes connaissent parfaitement les rouages essentiels de leur système d’arnaque. Ils savent aussi quand les « révéler » aux victimes, pour les sidérer et leur montrer combien elles sont ferrées quoi qu’elles fassent … les faire rire là-dessus est un geste sadique de plus. " est une excellente analyse de la violence verbale masculine. Il ne s'agit effectivement pas de blagues ou de dérapages mais de viol verbal, entièrement calculé, sadique et à visée destructrice. Les hommes savent très bien ce qu'ils font et pourquoi ils le font, il n'y a vraiment que les femmes qui ne se rendent pas compte que les hommes les haïssent.

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  2. Oui ! Malheureusement on ne voit même pas jusqu'où va leur sadisme.
    Nous sommes tellement habituées !
    Sur d'autres sites/blogs des commentatrices s'insurgent que l'on puisse critiquer Seth Macmachin parce que c'est leur idôle (donc on lui pardonne tout).
    Et puis certaines femmes sont contentes d'en voir d'autres se faire humilier. Dans ces moments, elles se sentent supérieures car elles ne sont pas dans le lot des victimes. Cela leur donne un bon sentiment d'elles-mêmes. L'occasion d'avoir un bon sentiment de soi-même dans cette société étant rarissime pour une femme, il faut attendre d'en voir d'autres humiliées pour y accéder.
    C'est dire où on en est !

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