Pages

mardi 4 mars 2014

Un opposant allemand à la prostitution, Hans Broich: «Ce que font les clients s'apparente à un viol»

Un opposant allemand à la prostitution, Hans Broich: 
«Ce que font les clients s'apparente à un viol»
 
Interview de Geneviève Hesse
  


 
Ils s'appellent Zéromachos - des hommes contre la prostitution et pour la pénalisation 
des clients. En France, leur voeu s'est réalisé et l'UE pourrait bien leur emboîter le pas. 
En Allemagne, l'un des leurs est Hans Broich. Qu'est-ce qui le motive ?
 
La nouvelle coalition est d'accord sur ce point : il faut changer quelque chose en Allemagne
en matière de prostitution. La CDU [parti chrétien-démocrate allemand] et le SPD 
[parti social-démocrate allemand] prévoient de mettre en place une réforme ; ils projettent de 
soumettre les bordels à un contrôle renforcé, de créer un nombre plus important de postes de  
consultation pour prostituées et d'offrir un meilleur appui aux victimes de la prostitution forcée.
 
Mais dans cette partie de l'Europe, personne n'ira aussi loin que l'a fait le gouvernement français. 
Selon toutes prévisions, les clients doivent s'attendre à être pénalement poursuivis  
s'ils démarchent une prostituée en France. Mais c'est également au niveau de l'Union européenne
que les voix abolitionnistes prennent de l'ampleur contre les réformistes : la députée britannique 
Mary Honeyball veut présenter ce mercredi une proposition similaire devant le Parlement européen. 
La Commission devrait servir à appeler à criminaliser les clients dans toute l'Europe.
(N. du T. : Cette proposition a été adoptée à une très forte majorité.)
 
En France, un mouvement a fait en sorte d'accroître la pression sociétale sur le gouvernement : 
les Zéromachos, des hommes engagés contre la prostitution. L'un d'entre eux souhaite désormais 
renforcer ce mouvement en Allemagne également. Il s'agit de l'étudiant Hans Broich, fils des acteurs 
Martin Wuttke et Margaret Broich. Dans cette interview, il explique pourquoi il considère
la France comme un modèle dans le domaine.
 
SPIEGEL ONLINE: Quelle influence peut avoir les Zéromachos ?
 
Broich : avec seulement 119 signatures, l'Allemagne n'en est qu'à ses débuts [depuis la parution de cet 
article : 204 signatures, N.de la T.]. La coordination passe encore par les membres français. Il y a 2209
[aujourd'hui : 2294 N. de la T.] Zéromachos à travers le monde, répartis dans 53 pays. Ils ont largement 
contribué au succès de la nouvelle loi de pénalisation des clients votée en France. Nous voulons la même 
chose en Allemagne.
 
SPIEGEL ONLINE: Selon cette loi, les clients seraient condamnés pour une relation sexuelle 
tarifée, les prostituées n'encoureraient aucune peine. Quelle raison avez-vous de trouver 
cela équitable?
 
Broich: Sans la dynamique de la demande, il n'y aurait pas de prostitution. Or ce que font les clients 
s'apparente à un viol. En fait, cet acte ne devrait pas rencontrer d'acceptance sociale. Il est simplement 
inhumain.
 
SPIEGEL ONLINE: pourtant les partisans de la prostitution fondent leurs arguments
sur la liberté sexuelle.
 
Broich: La prostitution n'a rien à voir avec la liberté sexuelle. Elle n'a pas pour base l'attraction mutuelle. 
Quand l'argent s'immisce dans les rapports sexuels, la liberté disparaît. Il n'est alors question que de 
pouvoir - presque toujours du pouvoir de l'homme sur le corps des femmes. Les Zéromachos disent oui 
au sexe, mais seulement d'égal à égal(e). Certains mènent une vie plus ou moins libertine, d'autres sont 
des maris fidèles. 


 
  
 
 né à Hambourg en 1991, H.B. interprète à 12 ans le petit Ulrich von Simmern
dans le film "La classe volante" [d'ap. un classique de la littérature enfantine allemande,
d'Erich Kästner ndlr]. Plus tard, il étudie les sciences de l'informatique, 
abandonne au bout de trois semestres. Depuis l'été dernier,  Il étudie 
l'horticulture à l'université Humbold de Berlin. 
 
  
SPIEGEL ONLINE: Les lobbyistes de la prostitution luttent contre le projet de pénalisation 
des clients. Ils affirment que la majorité des femmes ont choisi librement ce travail de 
facon autodéterminée.
 
Broich: Ce sont des tenancières de bordels qui profitent de l'exploitation des autres. Elles ne sont pas 
crédibles. Parmi les femmes qui ont quitté la prostitution, certaines déclarent avoir eu besoin de nombreuses
années de traitements traumatologiques. Il est plus qu'évident que les nombreuses jeunes femmes d'Europe 
de l'Est ne parlant pas un mot d'allemand, ne sont pas dans les bordels de leur plein gré. Ce ne sont pas 
des maisons de plaisir mais d'esclavage. La majorité des prostituées quitteraient immédiatement ce job 
si elles avaient la possibilité de gagner autrement leur argent. Nombreuses sont celles qui ont déjà subi abus 
et violences dans leur enfance et ont également été violée en situation de prostitution. 
Ce n'est pas parce qu'un petit nombre de femmes déclare haut et fort que ce job serait fantastique que 
la société doit abandonner toutes celles qui n'ont pas de voix.
 
SPIEGEL ONLINE: Comment pourra t-il être encore possible de contrôler les prostituées et les 
proxénètes s'ils plongent dans l'illégalité ?
 
Broich: C'est exactement l'inverse. Depuis la légalisation, la police allemande a les mains liées. La traite des 
personnes est souvent en jeu, mais difficile à prouver. Les femmes sont humiliées et elles ont
peur, leurs parents et leurs enfants dans leur pays d'origine sont
menacés. Elles ne sont pas en mesure de témoigner, encore moins de porter
plainte contre quelqu'un. Seules la pénalisation des clients est
efficace dans le long terme: la crainte de la punition réduit la
demande. En Suède, le nombre des prostituées qui travaillent dans les
rues a diminué de moitié.
 
SPIEGEL ONLINE: Les clients peuvent maintenant trouver des prostituées
sur Internet. Est-ce mieux?
 
Broich: La prostitution ne va jamais disparaître complètement, comme il y
aura toujours des meurtres et du trafic de drogue. Sur l'Internet, les
poursuites ne sont pas plus difficiles. Là où vont les clients, la police
aussi peut les suivre en mode banalisé et leur tendre des pièges. En
Suède, les hôtels et les voisins portent plainte s'ils ont des soupçons.
Quand les achats de sexe seront punissables, ils diminueront, comme cela
a été le cas en Suède.
 

SPIEGEL ONLINE: La situation des prostituées ne sera-t-elle pas pire
quand elles devront se cacher?

Broich: Comme arme simple, elles pourront au moins déclarer/signaler
l'achat du sexe [à la police], si un client est violent. Actuellement,
elles sont à la merci des clients et de leurs proxénètes. La légalisation
crée d'énormes lacunes dans la lutte contre la traite des êtres
humains, car on peut toujours prétendre que les femmes nouvellement
arrivées d'Europe de l'Est seraient venues volontairement. Cela devient
de plus en plus normal d'acheter du sexe, même sous forme de bon-cadeau
du patron pour Noël. La loi a besoin d'une nouvelle logique. Il ne doit
pas exister de bordels accrédités : le corps n'est pas un outil.

SPIEGEL ONLINE: Et où iront les hommes qui, autrement, ne trouvent aucune
femme?
 
Broich: Comme disent mes copines Femen, il n'existe pas de droit
fondamental au sexe. Au cours des quatre dernières années de ma vie ­ et
non seulement à travers elles ­ j'ai développé une nouvelle
sensibilité au drame de la prostitution. L'Allemagne a besoin d'une plus grande
attention aux violations des droits de la personne subies par les prostituées
dans notre pays chaque jour. 
 
SPIEGEL ONLINE: Plusieurs Femen se sont enchaînées en décembre devant
l'entrée d'un bordel à Berlin. Les seins nus contre la prostitution -
cela peut-il fonctionner?
 
Broich: Le Femen utilisent leurs corps comme une arme et non pas pour le
sexe. Elles reconquièrent leurs corps pour rendre visible un scandale étouffé.
Elles sont des combattantes courageuses - contrairement à ma génération
apolitique.

Source: SPIEGEL ONLINE 

(Traduction : TRADFEM)

1 commentaire:

  1. Ce sont les hommes qui ont maintenu les femmes dans la prostitution , c'est donc à eux qu'il revient de les en libérer. Tant qu'il y aura des clients il y aura de l'offre les 9/10 du temps... forcée!
    Prostitution n'est pas un métier mais une situation d'esclavagisme, aucun "client" qui paie pour une relation ne l'ignore, d'autant plus quand ce sont de très jeunes filles.

    Il y a les violeurs mais aussi ceux qui organisent ces viols à répétition. Et quand l'état ne dit ou ne fait rien il en est le complice surtout quand il empoche les impôts et les taxes que paient les prostituées, les revenus de leurs macs étant par contre très bien cachés.

    Malgré les résistances ( y compris de certaines femmes condamnant toute loi au nom de cette fumeuse "liberté" ) , la France, un pays machiste s'il en est ( il fallait voir les commentaires pendant l'affaire DSK) a pourtant réussi à faire passer une loi pénalisant les clients tout en pourchassant les mafieux du sexe, il n'y a aucune raison que l'Allemagne n'en fasse pas autant et que les autres états ne suivent le mouvement.

    Les femmes ont bien évidemment leur mot à dire et leur dignité à défendre, c'est de leur combat qu'il s'agit, mais le pouvoir étant encore détenu par les hommes, il leur revient donc de prendre leurs responsabilités.

    La prostitution ne s'arrêtera pas pour autant mais les clients sauront désormais quelle sera la portée de leurs actes égoïstes et criminels!

    RépondreSupprimer