À l’occasion de la sortie de son livre sur « l’affaire DSK », Ivan Levaï, ex-mari d'Anne Sinclair, s'est exprimé au micro de Pascale Clark sur France Inter. L’occasion pour lui de défendre une nouvelle fois son ami Dominique Strauss-Kahn. Mais les arguments utilisés par le journaliste ne sont qu'inepties et sottises judiciairement fausses, selon notre blogueur associé Philippe Bilger, ex-magistrat.
On verra à la fin ce qu'il en est de l'interrogation formulée par le titre de mon billet.
En tout cas, Ivan Levaï, pour défendre son ami Dominique Strauss-Kahn, a écrit et dit des inepties. Dans un livre annonçant le contenu : «DSK :chronique d'une exécution». A la radio, sur France Inter.
Il a osé affirmer, avec le ton assuré et décisif qui est souvent le sien, que «pour un viol, il faut un couteau, un pistolet, etc.» Comment l'intelligence, par facilité ou pour complaire, peut-elle se dégrader à ce point ? Qu'Ivan Levaï, s'il en a le temps, vienne un jour assister à une audience criminelle si la victime du viol n'a pas souhaité le huis clos : il constatera alors qu'avant de s'exprimer - avec la certitude d'être écouté avec une gravité recueillie et une bienveillance automatique par ses confrères -, il vaut mieux se renseigner, appréhender les terrifiantes et multiples modalités de ce crime qui souvent ne concernent qu'une contrainte, une violence sans arme d'un côté, et une faiblesse, une angoisse absolues, sans pareilles de l'autre. Une telle sottise choquante, de la part de n'importe qui d'autre, aurait suscité une controverse bien plus vive et des répliques plus cinglantes que celles ayant si peu égratigné Ivan Levaï.
Pour ne pas avancer masqué, j'avoue n'avoir jamais été impressionné par sa Revue de presse du samedi sur France Inter, qui est surtout à mon sens «une revue de Levaï» où le contentement de soi perceptible dans la manière dont il fait un sort à chacun de ses propos s'allie à une monotone sélection et vision des réalités nationales et internationales. Par exemple, pourquoi Georges-Marc Benamou, qui publie dans Nice Matin, a-t-il droit à une mention systématique sans que l'intérêt des citations la justifie ? Pourquoi le conflit israélo-palestinien a-t-il si souvent la part du lion ? Je n'ose pas imaginer le traitement qui serait réservé à un chrétien ou à un musulman avec des orientations professionnelles de ce type.
Une relation de proximité avec le président du CSA
Mais il s'agit d'Ivan Levaï. Les âneries qu'il a proférées sur le viol ont indigné très modérément. Le Conseil supérieur de l'Audiovisuel évidemment n'a pas réagi, il préfère s'occuper de pratiques médiatiques qui n'ont en rien contrevenu au pluralisme puisqu'il s'agissait de rendre compte de la Primaire socialiste et qu'il était certes difficile d'y inclure l'UMP. Ainsi il a préféré mettre en cause notamment BFM TV qui accomplit pourtant un remarquable travail d'information, sous l'impulsion en particulier d'un journaliste hors pair, Rachid M'Barki, plutôt que dénoncer une pensée non seulement offensante à l'égard des femmes, mais judiciairement fausse et socialement dangereuse. La première démarche est en effet infiniment moins risquée que la seconde. Sans compter que nous apprenons (Le Nouvel Observateur, Libération) que l'épouse d'Ivan Levaï est chef de cabinet de Michel Boyon, président du CSA !
Catherine Levaï a été elle-même très active dans la défense sinon de DSK en tout cas de son épouse. Etait-ce vraiment son rôle, elle s'en était prise vertement à François Morel qui, à sa manière inimitable, avait cru pouvoir se gausser du sourire permanent d'Anne Sinclair, amie de Mme Levaï je suppose. Sans doute revenue à ses devoirs d'objectivité et d'impartialité, elle a minimisé sa réaction en la qualifiant de «personnelle» et a ajouté : «Si le CSA est saisi pour les propos de mon mari, je ne me permettrai pas la moindre intervention».
A l'évidence elle a pris acte de l'événement nouveau que constitue l'action de l'Association Osez le Féminisme. Celle-ci, lassée de l'inertie volontaire du CSA - Rachid Arhab, chargé de la déontologie, n'avait pas eu le temps, paraît-il, d'étudier le dossier Levaï et pour d'autres anonymes, «silence radio, ça faisait partie des sujets tabous» ! - a écrit au Conseil et demandé des sanctions à cause de «la somme de contre-vérités et d'idées reçues sur le viol et les victimes du viol».
Il me plaît de rendre hommage à cette association qui a décidé de bousculer le CSA. Sans elle, nous en serions au même point. Certains médias se révoltent une seconde puis passent à autre chose. Même si son épouse a promis, là où elle est, de ne plus influencer, je suis prêt à faire amende honorable si Ivan Levaï, même le plus délicatement possible, est rappelé à l'ordre par le CSA. Je parie sur de l'immobilisme.
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