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mardi 5 juin 2012

Charlotte Roche à propos de son livre "Zone humide" : épilation et racisme font bon ménage...

Si je publie ici le discours de Charlotte Roche, cela ne veut pas dire que j'aime son style et que j'approuve par exemple qu'elle puisse trouver "féministe" de se faire cliente de la prostitution mais parce qu'elle est l'égérie des très jeunes filles (nées à partir de 1990) et que de ce fait, cela m'intéresse de savoir ce qui séduit cette génération montante.
Modérateur.- Quelle a été la motivation de ce livre ? L'idée de base ?

Charlotte Roche.- Parce que j'étais en rogne contre les protège-slips parfumés que l'on voit toujours dans les pubs, peut-être avez-vous remarqué ? (rires dans la salle) On en parle souvent dans les pubs, les femmes se promènent avec leurs p-s pour que le soir elles puissent encore sentir bon comme si elle sortaient de la douche grâce au parfum du p-s alors que c'est impossible le soir de sentir comme douchée du matin !

M. - OK

C.R.- Même un p-s ne peut parvenir à cela alors ce que me dit cett pub avec un mégaphone dans le visage c'est "Charlotte tu pues comme un putois" (rires dans la salle) et je dis que si on se fait satisfaire oralement on pense qu'on pue comme l'Enfer parce que la pub le dit ou parce que les parents...

Femme blonde. - Mais en général on a le temps de se préparer à ce genre de chose (rires)

C.R. - Oui mais Barbara...

F.B. - Adéquatement !

C.R. - Oui mais regarde tu t'es douchée le matin et le soir la pub te dit que ce n'est déjà plus si bien et je trouve que c'est un signal horrible envoyé à la femme de lui dire qu'elle doit se doucher plusieurs fois par jour et lutter tout le temps contre son odeur...

F.B. - Oui mais tu t'es battue contre l'épilation...on s'est défendues pendant des années mais la pression a été trop forte...par exemple pour les aisselles...

C.R. - Oui, oui..

M. - Les dessous de bras...

F.B. - Je ne suis pas sûre que cela se limite aux dessous de bras...

C.R. - C'est comme à Viva. Chez Viva, j'ai présenté l'émission avec des poils sous les bras et j'ai été massivement insultée par courriel pendant une longue période, surtout par des femmes. Elles jettent la pierre à celle qui enfreint la règle.

M. - Et aujourd'hui ?

C.R. - Euh...

M. - Avec les poils sous les bras ?

C.R. - Vous voulez voir ?

M. - Non (rires dans la salle).

C.R. - J'ai cédé à la pression mais j'ai beaucoup de plaisir à aborder ces thèmes parce que je remarque que les gens trouvent que les poils sous les bras sont la chose la plus dégoûtante du monde alors que ce ne sont que des poils et qu'ils ne sont pas différents de ceux-ci (montre ses cheveux) mais tout le monde devient dingue à  ce sujet.

M. - Pourtant il y a aussi des hommes qui n'aiment pas la barbe...et certains qui laissent pousser tout ce qui pousse...

C.R. _ Mais pour la femme il n'y a pas le choix. Je parle de la pression qu'il y a. Je ne sais pas d'où elle vient : la pornographie ou les magazines féminins ou quoi mais une femme sait exactement ce qu'elle a à faire et ce qu'elle ne doit pas faire. Et je plaide pour plus de créativité dans ce domaine. Pour les femmes les portes sont complètement fermées. Une femme qui se respecte, qui travaille, n'a pas le droit d'avoir des poils sous les bras, au niveau du bikini, elle doit au moins avoir le maillot rasé, les plus jeunes sont entièrement rasés, ils sont comme des bébés, les jambes doivent être intégralement rasées et maintenant beaucoup de mes amies se rasent les avant-bras. Tous les poils de l'avant-bras et on autorise la créativité pour les poils de la tête. On a le droit de dire j'aime les femmes  cheveux longs les blondes, les brunes mais personne n'est créatif avec les poils sous les bras.

F.B. - Vas-y donne moi une idée. Que dois-je faire ? Comment est-ce que je dois développer ma créativité au niveau des poils pubiens par exemple ? (rires)

Participant masculin. - Des nattes !

P.M. Un joyeux damier (rires)...obtiendrait une bonne note !

F.B. - Tu as raison. Ou...

P.M. - Ou le buisson pour la femme !

F.B. - Le buisson pour la femme ? Oui c'est bien mais (se tourne vers C.R.) tu as écrit sur l'américanisation du corps féminin...

C.R. : Oui les américains sont toujours à l'origine de ce genre de conneries.

Autre Femme Blonde. - Je ne me sens pas américanisée !

M. - Mais si avoue !

A.F.B. - (secoue la tête en signe de dénégation)

C.R. - Non mais il y a cette histoire avec ces femmes qui étaient en Amérique lors d'échanges et qui ont étudié en Amérique. La femme, elle est là dans le bus (C.R. lève le bras comme pour se tenir à une poignée de bus) en été et elles ont les poils qui se déploient sous les aisselles comme les allemandes en avaient autrefois et là une américaine arrive avec un rasoir et dit : rasez-vous parce que chez nous seules les négresses ne se rasent pas. c'est donc en plus un acte empreint de racisme. Les Blanches qui se respectent sont rasées et....

M. - (lisant dans le livre "Zone humide") "la plus petite région du corps est soigneusement rasée (..) mais ce que les femmes ne savent pas c'est que plus elles s'occupent de ces détails, plus elles s'immobilisent, leur posture va être de plus en plus raide et antisexe parce qu'elles ont peur de ruiner tout le travail en bougeant un peu...(ferme le livre) c'est votre image de la chose...euh... (cherche quoi dire) Pourquoi avez-vous été faire des recherches dans un bordel ?

C.R. - Dans le livre il y a plusieurs scènes où Helen Memel qui est chercheuse apprend beaucoup grâce aux bordels...les bordels et la prostitution m'intéressent beaucoup personnellement, j'ai toujours une représentation enfantine de cet endroit, c'est chaud comme chez les romains autrefois et quelqu'un te nourrit en haut avec du raisin pendant qu'il te tripote en bas et c'est confortable...

F.B. - Mais, mais...c'est une drôle de représentation, je crois que l'on idéalise...et je crois plutôt que l'on se tient à une colonne en plastique en dessous d'un auto-collant "Je peux tout mais ne suis pas obligée".

M. - Laisse-la raconter !

C.R. - Cela dépend où on va, combien d'argent on est prêt à mettre, il faut faire des recherches et moi en tant que femme , je l'écris aussi dans le livre, j'ai vraiment fait des recherches et j'étais vraiment dans un pouf (bordel) pour faire aller le personnage de mon livre dans un pouf (bordel).

F.B. - Quelle...chance !

C.R. - C'est pour que ce soit réaliste et pas qu'une nana écrive un truc sur les bordels sans jamais y avoir mis les pieds. On téléphone...j'ai appelé plein de bordels en tant que femme et on demande "je peux venir ?" et ils disent tous "non" et ce n'est pas ce à quoi on s'attend...jusqu'à ce qu'on les a convaincu qu'une prostituée pouvait faire quelque chose avec une femme, sinon on n'a pas le droit d'y aller et ils disent "venez en début de soirée parce que les clients masculins ont horreur des clientes féminines".

M. - Ah mais vous êtes allée là-bas en tant que cliente !

C.R. - Oui bien sûr !

M. - Y aller déguisée en prostituée cela aurait pu être pour vos recherches....

C.R. - Non, non, je suis allée là-bas en tant que cliente, oui, ce n'est pas kitch et dégueulasse comme on croit, c'est vachement bien, les femmes sont belles, elles étaient toutes nues avec des chaussures à hauts talons, c'est extrêmement chaud là-dedans....

M. - Mais les chaussures à talons hauts, ca aussi c'est américain !

C.R. - Pour moi, c'est francais.

M. - Pas mal non plus.

 C.R. - Oui mais il fait très chaud et toutes ces femmes sont nues là et tout le monde est amical. Je vous le recommande (rires)...Vraiment !

M. - Avez-vous aussi...quelle est votre relation à la pornographie ?

C.R. - Oui, les films pornos sont aussi dans mon livre (rit dans sa main). Je suis très ouverte aux films pornos. En ce moment je dois beaucoup en parler parce que je remarque que les femmes à cause de leur sexe se disent c'est rien pour moi, c'est juste pour les hommes. Les femmes disent qu'elles ne regardent pas de films pornos parce que les dialogues sont trop mauvais. Quels hommes regardent les films pornos pour les dialogues ? Les cassettes que l'on emprunte sont toutes rayés au niveau des dialogues parce qu'ils sont systématiquement sautés. Aucun homme ne regarde les passages avec les dialogues.

(F.B. raconte comment on fait pour sauter habilement les dialogues)

(rires, applaudissements)

M. - Je voudrais parler plus longuement de votre livre...mais le prochain invité...

C.R. - On peut le faire dans les vestiaires...

(Fin du dialogue)

  

5 commentaires:

  1. D’après ce que j'ai lu sur elle (et ses prises de positions), elle fait partie de ces femmes qui croient que revendiquer leur aliénation est une démarche féministe. Je les trouve plus dangereuses que les masculinistes finalement, parce qu'elles peuvent faire illusion. A (très) courte vue, leur discours est crédible.

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  2. A Lora : c'est plus compliqué que cela. J'ai l'impression qu'elle joue sur plusieurs tableaux : elle tient un discours féministe en dénoncant les protège-slips parfumés et l'épilation, ce qui séduit à fond les toutes jeunes filles mais d'un autre côté son style petite chipie sympa à jupette ne la distingue pas de la norme de facon à ne pas insécuriser trop ces mêmes jeunes filles déjà très aliénées par la pub quand même. Et 3e elle se la joue émancipée en jouant le mâle : elle "va aux putes" comme un homme, regarde des films pornos en sautant les dialogues, comme un homme.
    Son émancipation consiste à se donner une image appréciée des hommes tout en se rangeant dans la catégorie des oppresseurs de femmes à côté d'eux, tout en tenant aux femmes un discours à coloration féministe.
    C'est un système très payant si l'on veut être médiatisée. Elle rend du coup la féministe anti-porno et anti-pub totalement "out".

    Une jeune vingtenaire m'a dit : je respecte beaucoup Alice Schwarzer mais elle est dépassée. Et c'est ce message que Charlotte Roche s'évertue à faire passer.
    Il est très difficile d'expliquer que le féminisme ce n'est pas cela quand on n'est soi-même plus âgée que Charlotte Roche. On n'est pas écoutée par ce public de jeunes filles, dans ce cas.

    Tu as raison de dire qu'elle est dangereuse. D'un autre côté je me demande si les filles qui l'écoutent seraient à même de s'intéresser au féminisme radical "normal" sans cela parce que je remarque qu'elles le percoivent comme très négatif, anti-vie et déprimant, ce qui peut aussi se comprendre.

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    1. Personnellement, je préfère les femmes qui disent "je ne suis pas féministe", parce que on peut entendre "je ne suis pas encore féministe" (je suis convaincue que, à cause du dressage des filles à collaborer activement à leur oppression, il faut un déclencheur qui oblige à ouvrir les yeux) que ce féminisme là qui lance des messages paradoxaux. Je pense qu'il ne peut, au mieux, que favoriser le statut quo.

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  3. A Lora : oui, c'est terrible ces faux étiquetages. C.R. a réussi à se faire estampillée "féministe radicale" alors que ce n'est pas ce qu'elle est.
    Lorsqu'elle apparaît à la télé, un bandeau indique "Charlotte Roche, radikale feministin". Et les gens le croient puisque la télé le dit.
    C'est de la publicité mensongère.
    C'est comme quand Carla Bruni explique qu'elle et Sarko sont des gens simples et proches du peuple. C'est le même genre d'arnaque.
    Mais que faire pour dire à des jeunes gens qui l'aiment, qui lui vouent une sorte de passion, voire une idolâtrie qu'elle est une anarque ?

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  4. Sur la résistance à l'épilation, le Mouvement : www.antiintox.canalblog.com

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