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mercredi 5 juin 2013

Bordel Allemagne, suite et fin

[suite et fin plus rapide grâce à la traduction publiée il y a quelques heures sur ce blog]

Parfois, les filles sont envoyées par leurs propres familles. Comme Cora de Moldavie. La jeune fille de 20 ans enfonce profondément les mains dans les poches de son pull à capuche, les pieds cachés dans des pantoufles en peluche sur lesquelles sont cousus des yeux étonnés. Cora habite une auberge gérée par un centre d'assistance roumain aux victimes de trafiquants. Quand les filles ont 15 ou 16 ans en Moldavie, explique la psychologue de Cora, il n'est pas rare qu'elles entendent leurs frères et leurs pères dire : «Espèce de pute, dégage et ramène du fric.»
Ses frères ont emmené la jolie et sage Cora dans une discothèque de la ville la plus proche. Là elle devait juste servir des boissons, mais elle a rencontré un homme qui avait des contacts avec des Roumains : «Il a dit que je pouvais faire beaucoup plus d'argent dans les discothèques de là-bas.» Cora est partie avec lui, d'abord en Roumanie, puis en Allemagne.


À Nuremberg, elle a été violée pendant toute une journée, dit-elle, après cela, elle savait ce qu'elle avait à faire. On l’a mise dans une maison close de Frauentormauer, l'un des plus anciens quartiers «chauds» d'Allemagne. Elle recevait les hommes dans sa chambre, parfois jusqu’à 18 heures par jour. Elle affirme que des policiers venaient également au bordel – en tant que clients : «Ils n'ont rien remarqué. Ou bien, ils s’en sont moqués

Il y avait affluence au réveillon de Noël 2012 dans le bordel : le proxénète de Cora aurait exigé d'elle qu'elle travaille vingt-quatre heures d’affilée. Quand elle a refusé, il l'a poignardée au visage. La blessure saignait si fort qu'elle a été autorisée à se rendre à l'hôpital. Un client dont elle se souvenait du numéro de téléphone mobile l'a aidée à fuir en Roumanie, où Cora a porté plainte contre son bourreau. Celui-ci lui a téléphoné récemment depuis Nuremberg. Il allait la retrouver, a t-il menacé.

Malgré des histoires comme celles-là, les gens de la classe politique berlinoise ne ressentent pas de pression significative pour faire quelque chose. Cela vient du fait que, dans le débat autour de la prostitution, une attitude idéologique basée sur une certaine perception de ce qui serait politiquement correct pèse plus lourd que les réalités les plus atroces. Il y a un an, lorsque l'Université des sciences appliquées de Hambourg a tenu une conférence sur la prostitution en Allemagne, un participant a prétendu que la prostitution, à titre de métier sexuel reconnu, était «engagée dans un processus d'émancipation et de professionnalisation»...

De telles assertions scandalisent Rahel Gugel, professeure de droit. «C'est absurde. Cela n'a rien à voir avec la réalité», dit-elle. Spécialiste en droit du travail social à l'Université d'État coopérative de Baden-Württemberg, Gugel a consacré sa thèse au droit de la prostitution et a travaillé pour une organisation humanitaire.

Les partisans de la légalisation soutiennent que chaque personne a le droit d'exercer le métier de son choix. Certaines féministes vont même jusqu’à célébrer la prostitution comme une émancipation des femmes, parce que les femmes feraient là ce qu'elles veulent de leur corps. Dans la pratique, cependant, on constate rapidement à quel point la ligne est brouillée entre la prostitution volontaire et forcée. Des femmes comme Alina et Cora se sont-elles prostituées volontairement, ont-elles pris des décisions autonomes? «Il est politiquement correct en Allemagne de respecter les décisions individuelles des femmes», explique Maître Gugel. «Mais si on veut protéger les femmes, ce n'est pas la bonne base.»

Beaucoup de femmes vivent des situations émotionnelles ou économiques forcées. Il est prouvé que plus de la moyenne des prostituées ont été maltraitées ou négligées dans leur enfance. Des enquêtes ont montré que beaucoup d’entre elles vivent en état de choc post-traumatique. Les prostituées souffrent beaucop plus de dépression, de troubles anxieux et de toxicomanies que la population en général. La plupart ont été violées, beaucoup d'entre elles à plusieurs reprises. Dans les sondages, la plupart des femmes disent vouloir sortir - si possible - immédiatement
de la prostitution.

Bien sûr, il y a aussi ces femmes qui décident de louer leur corps parce qu'elles préfèrent cela à regarnir les rayons de supermarchés. Mais il y a tout lieu de croire qu'elles constituent une minorité – sauf qu'elles sont bruyamment représentée par quelques femmes propriétaires de bordels et lobbyistes pro-prostitution comme Felicitas Schirow.

Le droit allemand a
adopté une approche fondamentalement erronée, explique la professeure de droit Gugel. Qui veut protéger les femmes, doit restreindre la prostitution et, par exemple, sanctionner les clients. Un point de vue isolé, en Allemagne.
Mais pas en Europe. 

Certains pays qui prenaient une voie  semblable à celle de l'Allemagne s'en détournent aujourd'hui et suivent plutôt celle de la Suède. Deux ans avant que l'Allemagne adopte sa loi sur la prostitution, la Suède prenait le chemin inverse. L’activiste Kajsa Ekis Ekman se bat pour que toute l'Europe suive la Suède. Dans son livre "L’être et la marchandise" [Montréal, M Éditeur, 2013, merci Martin Dufresnes, NDLT] dans lequel elle décrit les conditions de vie des prostituées. Ekman voyage d'une ville européenne à l'autre, sorte d'ambassadrice de la lutte contre la traite des personnes.

À la mi-avril, la campagne d’Ekman l’a amenée à KOFRA, un centre de femmes de Munich. Ekman est blonde, petite et énergique, elle a
les yeux bleus. La Suédoise  est assise sur une étroite chaise de bois, et laisse le café refroidir dans sa tasse parce qu'elle a besoin de parler – comme si elle n’avait pas assez de temps pour tous les arguments qu’il lui faut donner.

Durant ses études à Barcelone, Ekman partageait un appartement avec une femme qui travaillait comme prostituée. Ekman a alors vu comment les prostituées travaillaient sous le joug des proxénètes. «Depuis que j’ai vu la façon dont ma colocataire vendait son corps, je m'en mêle», dit-elle. De retour en Suède, elle s’est dite étonnée par un débat public sur l'amour libre et l'autodétermination des prostituées. « J'avais vu bien autre chose», dit Ekman.


En 1999, quand la Suède a rendu illégal l'achat de services sexuels, ses voisins européens pouvaient à peine y croire. Pour la première fois, c’étaient les acheteurs et non les prostituées qui allaient être sanctionnés.

«La prostitution va maintenant s'épanouir dans l'ombre. C'est une
défaite pour le mouvement des femmes en Suède», voilà ce qu'écrit le "Frankfurter Allgemeine Zeitung", qui voit là un «féminisme dogmatique» à l'œuvre. Est-ce qu'une société qui se veut libre de toute pudibonderie peut sanctionner les hommes qui fréquentent des prostituées? Oui, elle le peut, répond Ekman, en citant les succès réalisés dans son pays : de moins en moins d’hommes paient pour du sexe et de plus en plus on voit ceux qui le font en avoir honte : «Avant l’entrée en vigueur de notre loi, un homme sur huit en Suède avait déjà acheté les services d'une prostituée», dit-elle, aujourd’hui, c'est un homme sur douze.

Bien sûr, la prostitution existe encore en Suède, mais la prostitution de rue a diminué de moitié. Le nombre total de prostituées a aussi diminué, passant d'environ 2 500 à environ 1000-1500 femmes. Des proxénètes amènent encore des femmes d'Europe de l'Est dans le pays en mini-fourgonnettes, ils campent souvent à la périphérie des villes, mais ils ne font guère d'affaires. Les détracteurs de la loi sont convaincus que la prostitution s'est déplacée dans les appartements et via Internet, et que certains hommes se rendent maintenant dans les bordels des pays baltes ou de l’Europe de l'Est.

La loi suédoise ne se fonde pas sur le droit de la prostituée de prendre des décisions autonomes, mais sur l’égalité de statut des hommes et des femmes, inscrite dans les constitutions suédoise et allemande. L'argument, en termes très simplifiés, est que la prostitution est une exploitation, et qu'il s’y trouve toujours un déséquilibre du pouvoir. Si les hommes peuvent acheter des femmes pour le sexe, cela cimente une image de la femme préjudiciable à l'égalité des droits et à l’ensemble des femmes.

La Suède sanctionne les prostitueurs, les proxénètes et les trafiquants – mais pas les prostituées. Cette approche vise à étouffer la demande de services sexuels tarifés et à rendre cette entreprise non rentable pour les rabatteurs et les exploiteurs. Il y a deux ans, les Suédois ont augmenté de six à douze mois de prison la peine maximale pour les clients de la prostitution.

Même si la police suédoise ne se montre pas toujours d'une régularité assidue dans la poursuite des clients, elle en a tout de même arrêté plus de 3 700 depuis 1999. Dans la plupart des cas, ceux-ci n’ont eu à payer qu’une amende. Certaines personnes contestent encore en Suède les mérites de cette loi restrictive, mais elle bénéficie d'un soutien considérable de la population. Dix ans après sa promulgation, plus de 70% des Suédois ont déclaré appuyer le fait de sanctionner les hommes qui paient pour du sexe.

En Allemagne, en revanche, la situation est telle que la chaîne de télévision RTL II diffuse une émission dans laquelle une équipe intitulée «Pimp my bordello » (Soutenez mon bordel) fait le tour du pays en rendant visite à des «bordels allemands en difficulté» pour y stimuler l'industrie du sexe avec de bons conseils. Ce sont des initiatives de ce genre qui ont poussé Alice Schwarzer, éditrice de la revue féministe EMMA, à envisager, «comme objectif à court terme» pour l'Allemagne, «un débat social aboutissant à la condamnation de la prostitution plutôt que, comme c'est le cas aujourd’hui, son acceptation et même sa promotion».

Pierrette Pape croit que la manière dont un pays voit la prostitution
n'est pas dénuée de conséquences «Un petit garçon grandit en Suède avec le fait que l'achat de sexe est criminel. En Hollande, le petit garçon grandit avec la vue de femmes assises derrière des vitrines et l'idée que l'on peut les acheter comme n’importe quel produit de consommation de masse. Cela a forcément une influence énorme sur la façon dont un homme pense et agit par la suite". Pape est la porte-parole du Lobby européen des femmes à Bruxelles, une organisation qui coordonne 2 000 organisations féministes en Europe.

Pour Pape, il est «surprenant» que l'Allemagne ne révise pas sérieusement sa politique relative à la traite humaine. « Le débat a démarré dans toute l'Europe, et nous espérons que les politiciens allemands ainsi que nos organisations humanitaires vont désormais accorder plus d'attention aux droits humains qu'ils ne l'ont fait jusqu'à présent

Plusieurs pays européens s'orientent désormais sur le modèle suédois. L'Islande a repris pour elle le règlement de Stockholm. Les politiciens envisagent même d’interdire la pornographie en ligne. Depuis 2009, la Norvège sanctionne également les clients de prostituées. Et à Barcelone, il est illégal de recourir aux services d'une prostituée de rue.

En vertu d'une loi finlandaise promulguée en 2006, les hommes peuvent être punis pour avoir acheté les services d'une prostituée qui travaille pour un souteneur ou qui est victime de la traite. Mais il s'est avéré impossible de prouver que les hommes savaient que c'était le cas. Le ministère finlandais de la Justice prépare actuellement une expertise pour savoir si la Finlande ne doit pas plutôt adopter le modèle suédois.

En France également, nombreux sont ceux qui veulent suivre la voie prise par la Suède. La ministre actuelle des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, a fait, peu après son entrée en fonction, une annonce audacieuse : «Mon objectif, comme celui du PS, est de voir la prostitution disparaître», a-t-elle déclaré au Journal du Dimanche. Des hommes politiques et des sociologues ont tout de suite ridiculisé cette idée, la qualifiant d’«utopique». Des prostituées ont manifesté dans les rues de Lyon et de Paris. Le projet de loi de Vallaud-Belkacem appelle à un maximum de six mois de prison et une amende maximum de 3000 € pour les clients. Mais il faudra probablement un certain temps avant que l'idée s'impose au sein du gouvernement.

Et en Allemagne? Ici, on se dispute sur des changements infimes concernant la loi sur la prostitution - mais on ne fait quand même rien. En 2007, la ministre de la Famille de l’époque, Ursula von der Leyen (CDU) a voulu soumettre l'ouverture des bordels à l'approbation du gouvernement, avec l’appui d’une de ses collègues de la CDU, ministre de l'Intérieur de la Sarre à l'époque
Annegret Kramp-Karrenbauer [auj. présidente du Land, NDLT]. Mais il ne s'est rien passé. Elles n'ont pas obtenu de majorité au sein de leur parti.

En 2008, la Conférence des ministres responsables de l’égalité et des femmes a tenté d'introduire un règlement qui soumettrait les tenanciers de bordels à un test de fiabilité. Elles ont consulté leurs collègues de la Conférence des ministres de l'Intérieur. Rien n'a bougé.

En 2009, des politiciennes de la CDU, du SPD, du FDP (pro-entreprises) et des Verts du Land de Bade-Wurtemberg ont demandé que quelque chose soit entrepris contre la «formule inhumaine des services sexuels à prix forfaitaire». Mais rien n'a été modifié à la loi.
 

Les Pays-Bas avaient déjà choisi la voie de la déréglementation juridique, deux ans avant l'Allemagne. Aussi bien le ministre de la Justice néerlandais que la police nationale admettent aujourd'hui qu'il ne s’est produit aucun progrès palpable pour les prostituées depuis lors, que leur santé se serait plutôt dégradée, et qu'il y aurait plus de toxicomanes qu'avant parmi les prostituées. Selon l’estimation de la police hollandaise, de 50 à 90% des prostituées n'exercent pas cette activité de façon volontaire.

Lodewijk Asscher (SPD), estime maintenant que la légalisation de la prostitution a été «une erreur nationale». Entre temps le gouvernement néerlandais projette de durcir la loi pour lutter contre une hausse du trafic humain et de la prostitution forcée.
En Allemagne, on en est encore loin. Les Verts qui se sont prononcé pour la loi sur la prostitution il y a 12 ans, ne montrent pas le moindre regret. L'ancienne chef des Verts au parlement, Kerstin Müller nous fait savoir que ses priorités seraient ailleurs aujourd'hui. Irmingard Schewe-Gerigk, qui était aussi une députée de premier plan chez les Verts au moment où la loi a été adoptée, déclare: «La loi était bonne. Nous aurions dû juste la mettre en œuvre plus systématiquement.». Il est intéressant de souligner que Madame Schewe-Gerigk est maintenant présidente de l'organisation féministe Terre des Femmes, qui vise à instaurer «une société sans prostitution».

Le troisième pionnier de la nouvelle loi à l'époque, Volker Beck, continue également à la soutenir. Beck, ancien porte-parole de la politique juridique de son parti, réclame néanmoins de nouveaux programmes de soutien et de sortie du milieu pour les femmes. "La Suède ne peut servir de modèle pour l'Allemagne", «Une interdiction n'améliore rien, on se retrouve de nouveau avec des lieux difficiles à contrôler», dit le représentant des Verts. De plus, le commerce serait alors aux mains de bandes criminelles» - comme si elle était aujourd’hui entre les mains de gens d’affaires irréprochables.

Quelques collègues du parti en disconviennent. «Une grande partie du milieu prostitutionnel est déjà depuis longtemps dans l'illégalité», dit Thekla Walker, de Stuttgart. La présidente de l'organisation des Verts a, en effet, cherché il y a un mois à proposer une modification de la loi sur la prostitution au congrès de son parti
pour sa région du Bade-Wurtemberg.

«La prostituée autonome que nous nous représentions lorsque la loi sur la prostitution a été promulguée en 2001, celle qui négocie dans le blanc des yeux avec son client et peut subvenir à ses besoins avec son revenu, est une exception», lit-on sur une motion que Walker a présentée lors d'une convention du parti le mois dernier. Les lois actuelles ne protègent pas les femmes de l'exploitation, elles leur accordent «en fin de compte seulement la liberté de se laisser exploiter». Les Verts, écrit Walker, n’ont pas le droit de fermer les yeux sur les «conditions catastrophiques de vie et de travail d’un très grand nombre de femmes prostituées.»

C’est pourtant ce qu’ils ont fait. Walker a retiré sa motion, faute d’avoir la moindre chance d'obtenir une majorité. Les Verts ont décrété qu'il faudrait regarder de près si la loi nécessitait des améliorations.

En Allemagne, ceux qui parlent contre la légalisation sont considérés comme «prudes et moralisateurs», explique la professeure de droit Gugel. D'autre part, ajoute-t-elle, elle n'a pas le sentiment «que les politiciens témoignent de beaucoup d'intérêt pour la question».

Par contre,
la ministre de la Famille,Kristina Schröder (CDU), a pour projet de réprimer le trafic humain et la prostitution forcée. Toutefois, «malgré des efforts très intenses, les quatre ministères concernés n'ont pu se mettre d'accord», a déclaré le ministère de Madame Schröder par voie de communiqué. 
Sa volonté de réglementer les bordels de façon plus stricte a échoué face à l'opposition de la ministre de la Justice.
La Liberale [= membre du parti FDP qui gouverne malheureusement en coalition avec la CDU, NDLT] Sabine Leutheusser-Schnarrenberger considère toute réforme de la loi comme inutile et répète le vieil argument, à savoir que la loi allemande permet aux femmes de sortir de l'illégalité alors que la loi suédoise les oblige à l'obscurité.

Compte tenu de ce désaccord, ce serait un miracle si le gouvernement se décidait bientôt à mieux protéger les victimes du trafic humain. Au lieu de cela, les femmes continueront à ne devoir compter que sur elles-mêmes.
 

Alina de Sânandrei a réussi à s'enfuir du bordel Airport Muschis. Après un raid policier, elle et 10 autres femmes ont couru jusqu’à un restaurant turc du quartier. Le frère du propriétaire était un client. Il a caché les femmes et a loué un bus à ses propres frais. Puis il a essayé de les reconduire jusqu’en Roumanie. Les proxénètes ont tenté d'arrêter le bus, mais les femmes ont réussi à leur échapper.

Alina vit de nouveau chez ses parents. Elle ne leur a pas parlé de ce qui s'est passé. Elle travaille, mais ne veut pas dire  qu'elle fait. Ce qu'elle gagne, dit-elle, est suffisant pour ses billets de bus, des vêtements et un peu de maquillage.

Alina se rend encore quelquefois à l’AIDRom, un centre de consultation pour les victimes du trafic humain, situé dans la ville roumaine de Timisoara-Ouest. Elle parle avec la psychologue Georgiana Palcu, qui essaie de lui trouver un poste de stagiaire comme coiffeuse ou cuisinière. Palcu explique que les conversations avec les jeunes femmes revenues d'Allemagne sont «sans fin et difficiles».La psychologue tente de leur donner une perspective.

Mais elle ne se fait aucune illusion. Même si la fille trouve un emploi en formation, elle ne prendra probablement pas le job. Elle ne gagnera pas plus de 200 € pour des semaines de 40 heures. En conséquence, dit Palcu, beaucoup de celles qui sont rentrées d'Allemagne après y avoir été dévastées travaillent à nouveau comme prostituées. «Quest-ce que vous voulez que je leur dise?», demande-t-elle. «C'est la réalité. On ne peut pas vivre avec 200 €.»


Airport Muschis, le bordel de Schönefeld n'existe plus. Il a été remplacé par le Club Erotica, qui n'offre pas de taux forfaitaires. Mais les clients n'ont pas à se priver : quelques kilomètres plus loin, à Schöneberg, le King George a adopté la formule du prix forfaitaire. Son gestionnaire affiche le slogan "Geiz macht Geil"(«L'avarice est aphrodisiaque»). Pour 99 €, c'est sexe et alcool à volonté jusqu’à l’heure de fermeture. Le sexe anal, le sexe oral non protégé et les baisers avec la langue sont payables en sus. Tous les lundis, mercredis et vendredis les clients sont invités à un gang-bang.

En toute légalité.


RÉDIGÉ POUR DER SPIEGEL PAR CORDULA MEYER, CONNY NEUMANN, FIDELIUS SCHMID, PETRA TRUCKENDANNER et STEFFEN HIVER


Traduit de l'allemand vers l’anglais par Christopher Sultan

Traduit de l'anglais vers le français par Martin Dufresne
Modifié par Euterpe (non pas parce que je remets en cause la qualité de la traduction de Martin Dufresne mais parce que je dispose du texte original et que j'ai moins besoin d'introduire des explications que pour le Québec qui est loin de l'Europe. De plus, les initiales des partis allemands ne sont pas francisés en France (et autres détails comme d'avoir repris les termes exactes de la rédaction qui utilisent "clients" (voire "prétendants", traduction de "Freier"), même si, en tant qu'abolitionniste, je ne suis, bien entendu, pas d'accord avec l'emploi de tels euphémismes !).

2 commentaires:

  1. Glaçant.
    Mais terrifiante aussi la conclusion de Georgiana Palcu sur un retour vers une certaine facilité, vers le connu, pour des raisons économiques !

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  2. Patriarcalisme dogmatique galopant- Cette vieille amicale proxène aurait pourtant du s'essouffler... mais les privilèges du lingam sont encore fortiches et on va finir par penser que le système patriarcal soigne son homéostasie... http://susaufeminicides.blogspot.fr/2013/11/amicale-proxene-et-feminicides.html

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