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vendredi 7 juin 2013

Eh, toi, la féministe de service, ça va te faire râler

Eh, toi, la féministe de service, ça va te faire râler



Des clowns féminins sur scène (Gaelx/Flickr/CC)
Tu as des convictions mais bon, au fond, faut pas trop en parler. Tu es la féministe de service, c’est déjà bien, alors ne la ramène pas trop s’il te plaît.
Toi, tu es dans ta petite case. Pliée en quatre puis roulée sur toi-même. Tu n’es plus un être humain, fait de nuances, d’ambiguïtés et de contradictions, non, tu es LA féministe de service.
On te sort de ta boîte quand on s’ennuie, pour faire passer le temps quoi. Dans ces moments-là, on te hèle, l’air goguenard, à l’autre bout de la pièce dès qu’un événement considéré comme sexiste est soulevé :
« Oh ! lala, alors toi, c’est sûr, ça va te faire râler ! Haha, huhu, viens voir, tu vas sortir de tes gonds, je te connais. »
Sourires extatiques, attente fébrile de ta désapprobation. Ça y est. C’est bon, tu as bien rempli ta mission de féministe de service. Tu as désapprouvé, ni trop, ni pas assez.
Tu as même lâché un ou deux « putain ! » histoire de bien montrer que t’es pas contente, que ça te révolte, le sexisme. Voilà, tu peux te rasseoir, merci, tu as fait le job.

« P’tain, t’es décevante, sérieux »

Making of
Le « Marie-couche-toi-là Gang » est un blog dont les auteures sont toutes féministes.

Nous reproduisons ici, avec leur autorisation, un de leur billet, intitulé « Féministe par procuration », où elles conchient ceux qui prennent les féministes pour des animatrices de soirée.

Rue89
Aussi, quand il est bien socialement dosé ton féminisme de service, il engendre la satisfaction générale. Tu as mâché – avec plus ou moins de panache – la pensée contestataire. C’est toujours ça de pris. Certains pourront même s’accorder la petite coquetterie de lancer en soirée :
« Moi j’en connais une féministe, c’est un truc de ouf comment elle réagit en mode chienne de garde quoi. »
Ça peut éventuellement témoigner d’une large ouverture d’esprit. Banco.
Parfois même, quand t’as rien à dire, quand t’es tranquille, peinard, on vient le chercher ton féminisme. Bah quoi, un truc sexiste et toi, toi, la féministe tu ne réagis pas ? Allez, dis quelque chose, ça va être drôle. P’tain. T’es décevante, sérieux.

On n’est pas féministes, puisqu’on te le dit

Parce qu’évidemment, les autres, il semblerait que ça les concerne moins le sexisme, le féminisme, tout ça, tout ça. C’est pas pour eux, c’est pour les extrémistes, les engagés, les révoltés, les manifestants du dimanche pluvieux.
Faudrait pas qu’ils endossent cette étiquette trop collante non plus. Comprends bien, ils ont d’autres trucs à penser. Fondamentalement, réclamer l’égalité c’est un joyeux passe-temps pour les relous comme toi. Voter, avorter, divorcer… non, non, ça c’est pas du féminisme, voyons.
Et d’abord, le féminisme, c’est pas sexy, ça fait peur aux garçons, ça refoule du bec, ça pique beaucoup trop le cuissot pas épilé. On n’est pas féministe, puisqu’on te le dit. Merde à la fin.
Alors attention la féministe de service, attention. Ne viens pas non plus dire deux fois dans la même journée que tu n’es pas d’accord. Qu’à ton sens, il y a des choses qui ne se disent pas, qui ne s’écrivent pas.
Parce que là, tu risques, au mieux de te faire taxer d’extrémiste, au pire de briseuse de couilles. Du féminisme oui, mais quand ils veulent, comme ils veulent. Ok l’hystéro ?

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