ANgrywOmeNYMOUS


jeudi 16 janvier 2014

Lettre d'une ex-prostituée à ses ex-clients



Une lettre fait le tour du monde

Au départ, la lettre aux "chers acheteurs de sexe" avait été publiée sur son Blog, „si tu crois que j'ai eu un jour envie de toi, tu te trompes horriblement. Tu étais peut-être le numéro 3, le numéro 5 ou le numéro 8 de la journée. Tu crois vraiment que j'ai pu être séduite mentalement ou physiquement par un homme que je n'ai pas choisi moi-même ? Oh non. Mon bas-ventre brûlait. À cause du gel et du préservatif.“
Tanja Rahm a travaillé trois ans comme prostituée, volontairement et sans proxénète. Cela fait 13 ans. Aujourd'hui, la Danoise de 36 ans travaille comme thérapeute.Ce 3 janvier elle a mis sa lettre à ses anciens clients en ligne. Dans cette lettre elle règle ses comptes avec eux sans fioriture, aussi, et surtout même, avec les „gentils“: "Lorsque tu m'as fait des compliments sur mon apparence, mon corps ou mes capacités sexuelles, tu aurais pu aussi bien me cracher dessus. Tu n'as pas vu l'être humain derrière tout ça. Tu n'as vu que ton illusion de la femme excitante et excitée qui aurait une envie intarissable de sexe“.

Tanja Rahm: "si tu crois que j'ai eu un jour envie de toi, tu te trompes horriblement."

Depuis, des centaines de milliers de gens ont lu la lettre de Tanja Rahm. Elle a d'abord été publiée dans le Aftenposten norvégien, où elle a été cliquée 500.000 fois. Un Norvégien ou une Norvégienne sur 5 voulait savoir ce que Rahm avait à dire sur son expérience de la prostitution. L'achat de sexe est interdit en Norvège comme en Suède et en Islande.
Le journal allemand Welt, qui a également publié la lettre, a obtenu un record de 170.000 visites – malgré ou peut-être en raison de l'absence de concession de cette lettre. Il y est écrit plus loin: „Tu crois avoir un droit dans ce domaine. Les prostituées sont de toute façon là. Mais tu sais quoi ? Les prostituées ne sont là que parce que les hommes comme toi empêchent toute relation saine et respectueuse entre hommes et femmes. Les prostituées n'existent que parce que les hommes comme toi s'estiment dans leur droit de se servir des orifices d'autres personnes pour leurs besoins sexuels.“
D'après les commentaires des lecteurs/trices, un paquet de messieurs se sont sentis visés. Normal : d'après une étude française, un homme sur trois va de temps en temps ou régulièrement au bordel. En Allemagne, le nombre doit être à peu près identique. Pas étonnant que les réactions envers le combat actuel contre la prostitution soient si violentes.
Le commentaire de Akif Pirinçci dans la feuille masculiniste en ligne eigentümlich frei est particulièrement révélatrice. L'écrivain germano-turc a publié en 1989 le fameux best-seller „Felidae“. Ce polar était un violent réquisitoire contre l'expérimentation animale. Depuis Pirinçci récidive avec des titres comme „Les sens des chats. Ce qu'ils ressentent, ce qu'ils pensent, ce qu'ils aiment“ et s'identifie complètement à l'âme féline. En revanche, son empathie pour les femmes ne va pas si loin.
„Chère ancienne pute Tanja Rahm“, écrit l'homme de 54 ans, qui a largement utilisé „tes services et ceux de tes semblables“. „Tes petits bobos sont vraiment la dernière chose qui intéresse un client de bordel, parce qu'il va dans un bordel pas dans un hopital pour souhaiter bon rétablissement à des femmes malades“ Et plus loin : „Apparemment tu n'as même pas encore compris aujourd'hui les règles de base de ton ancien métier.“
L'une de ces règles de base d'après l'ami des animaux Pirinçci est la suivante : dans la „puterie“ les participants se trouvent dans une „zone quasiment animale“, dans laquelle on „peut en venir très vite à la grossièreté, l'obscénité, et oui, dans un cas extrême à des ambiguïtés violentes. C'est un risque du métier, ma chère. Comme les cascadeurs qui envisagent toujours la probabilité de se briser les os.“ En somme : „il circule dans le sang de l'homme le décuple en testostérone. Et ce truc n'a pas de compétence morale !“

Akif Pirinçci: "Une femme qui se fait monter tous les jours par dix hommes différents, est appelée à juste titre "pute".

Que ce soient les clients qui créent le marché, Pirinçci ne veut pas le savoir. La faute est aux femmes dépravées. Car : „Ce n'est pas parce que des hommes versent de l'argent pour cela, qu'il y a des prostituées mais parce qu'il y a des prostituées. La grande majorité des femmes ne peuvent pas faire ce job, il faut plus ou moins être née pour.“ C'est pourquoi on nomme à juste titre ces femmes „qui se laissent quotidiennement montée par dix hommes différents, des putes.“ Cela n'est pas vraiment étonnant de la part de Pirincci que son épanchement sur la sainte prostitution ait pu être publié dans le magazine masculiniste eigentümlich frei (particulièrement libre).
Ce qui est intéressant c'est que ce client revendiqué confirme exactement ce que Tanja Rahm décrit: „Lorsque je t'ai dit non ou que je t'ai fait comprendre que tu ne devais plus revenir, alors tu as restauré ton honneur en me rabaissant dans mon rôle de prostituée. Tu m'as parlée avec condescendance, tu as été menaçant et particulièrement grossier.“ Une prostituée qui ne sait pas où est sa place ? Pas avec des hommes comme Akif Pirinçci.
Sauf que cette (ex-)prostituée ne se laisse plus rabaisser. „Ce qu'il y a de bien“, a écrit Tanja Rahm à EMMA, „c'est que maintenant tous ces gens malades montrent ce qu'ils pensent vraiment des femmes et des anciennes prostituées.“

En effet.

Sur EMMA.de

mercredi 1 janvier 2014

Un "garden" très "fun"

Un procureur fédéral de Basse-Rhénanie sévit contre la fraude fiscale et l'escroquerie à l'assurance sociale dans les bordels et met le milieu de la prostitution en émoi.
Bordell-Prozess Emmerich: "Fungarden": Zuhälter, Schläge, Betrügereien
   Olga G. est une comptable méticuleuse. Tous les jours, elle note dans son livre de comptabilité les revenus et les dépenses, les services et leur durée.
L'Allemande russe [nom donné aux descendants d'Allemands émigrés en Russie sollicités pour venir vivre en Allemagne après la chute du mur, n.d.l.t.] a été, des années durant, tenancière de bordels à Emmerich en Basse-Rhénanie et effectuait la comptabilité de son compagnon, le bosniaque Esed D., en version double - l'une avec des sommes moindres pour le fisc, l'autre avec des sommes plus conséquentes pour leurs poches personnelles.
   Malencontreusement les cahiers de format A5 avec la double comptabilité étaient cachés à la maison, en partie bien empaquetés dans des sacs en plastique sous le lavabo, là où on les y a trouvés en mars 2012, lors de l'une des plus grandes descentes policières jamais effectuées en Basse-Rhénanie : 250 fonctionnaires - une unité de la douane lourdement armée, les enquêteurs fiscaux, la police et le parquet - ont fouillé les établissements Fun Garden et la Villa Auberge ainsi que les appartements de la quadragénaire et de son compagnon de 53 ans.
  Sur la base d'enregistrements, la justice allemande a accédé aux tenanciers de bordel par un autre côté : celui de la fraude fiscale et du non-paiement des contributions sociales. Déjà, en son temps, le chef des gangsters de Chicago, Al Capone, s'est fait abattre pour fraude fiscale et blanchiment d'argent.
C'est à Hendrik Timmer, procureur de Clèves, qu'est venue l'idée. Et cela lui a réussi. En mai dernier, le tribunal de grande instance de Clèves condamnait le couple à la prison. Depuis, Timmer organise des séminaires par exemple pour la police de Cologne et la police nationale criminelle.
    L'astuce de Timmer a provoqué des remous dans le milieu prostitutionnel de toute l'Allemagne. Les bordels, les maisons de passes et les clubs de "sauna" sont souvent organisés de telle sorte que les prostituées sont censées y travailler - soi-disant ou vraiment - comme indépendantes. Ce modèle commercial répandu partout est maintenant caduque. Depuis le jugement de Clèves, la défense et le parquet se sont pourvus en cassation auprès de la cour de justice fédérale. Ainsi il pourra être judiciairement décidé quand les prostituées devront légalement être considérées, dans les bordels et autres, comme des employées ou non.

    En Allemagne, des milliards d'euros de chiffre d'affaires se font avec le sexe marchand. En 2002, la coalition gouvernementale rouge-verte a sorti la prostitution de l'illégalité et renforcé les droits des prostituées. Depuis, la prostitution n'est plus contraire aux bonnes moeurs : le proxénétisme n'est condamnable que lorsqu'il se révèle exploiteur, entremetteur et dirigiste.
   L'Allemagne est devenue la cible du tourisme sexuel parce qu'ailleurs l'amour achetable n'est pas si facile à obtenir. Une grande partie des prostituées du pays sont des jeunes filles d'Europe de l'est. Beaucoup ont été leurrées par des rabatteurs, des enquêteurs supposent parmi elles des victimes du trafic humain. 
La police et la justice se plaignent de ne pouvoir remédier aux abus qui ont cours dans le commerce de la prostitution. En 2011, il y eut à peine 23 personnes jugés pour proxénétisme ; pour traite humaine, 121.
   Lors de sa loi de 2002, le gouvernement pensait aux travailleuses du sexe volontaires et indépendantes. Elles devaient pouvoir se plaindre de leur salaire et verser des cotisations pour l'assurance maladie, la retraite et le chômage. Elles sont restées une petite minorité négligeable  - 44 femmes sont officiellement inscrites comme prostituées sur les registres de l'assurance maladie dans toute l'Allemagne.
   Lorsque le procureur Timmer a préparé la procédure contre les tenanciers de Fun Garden et de la Villa Auberge, il a trouvé des pièces prouvant que certaines femmes de ces établissements étaient victimes de la traite humaine et avaient été forcées à se prostituer. Mais on se heurte toujours au même problème.
Il n'a trouvé quasiment aucun moyen d'aider ses femmes, il s'en est apercu rapidement. "Beaucoup ont peur de témoigner".
  Timmer vient de la section commerciale du parquet. Lorsqu'il a eu la comptabilité d'Olga G. en main, il a vu là un biais pour sévir contre les tenanciers. "Au fond il s'agit de savoir si les prostituées travaillent en indépendantes ou non. Si ce n'est pas le cas, les employeurs doivent s'acquitter des impôts et verser des cotisations pour l'assurance maladie".
   La tenancière de bordel Olga G. et son compagnon ont affirmé que les femmes travaillaient comme indépendantes chez eux. Il y en aurait eu jusqu'à 1000 entre 2005 et 2011 et elles auraient servi plus de 60.000 clients pendant cette période.
De grands panneaux dans les deux bordels devaient suggérer aux hommes qu'ils avaient affaire à des travailleuses indépendantes qui fixaient elles-mêmes leurs prix.
   Les livres de compte d'Olga G. autorisent à penser qu'il en était bien différemment. On y trouve un catalogue de "contraventions" destinées aux femmes :
50 euros si elles commencent leur service en retard, 10 euros si elles n'ont pas rangé la cuisine ou 100 euros si l'une d'entre elles ne veut ou ne peut plus travailler.
   Elles n'avaient pas le droit d'aborder elles-mêmes les clients ni d'en refuser et le succès de leurs "services" était également enregistré. Chaque client qui notait une pute après le "travail" recevait un bon d'achat de 5 euros. Ce qui a également été décisif pour la justice, cela a été le fait qu'aucune des femmes d'aucun des deux clubs n'avaient eu une chambre à elle. Olga G. indiquait les chambres au moment des passes. Dans les notes on trouve également l'heure, le numéro de la chambre et un trait oblique ou une croix indiquait s'il s'agissait d'un quart d'heure ou d'une demi-heure.
   En moyenne, les femmes payaient 1300 euros par mois aux tenanciers. En partie, elles devaient également payer leur propre "entrée" dans le club - 50 euros par jour. Pour 5 puis plus tard 10 euros, elles pouvaient dormir dans l'une des chambres s'il ne s'y trouvait pas de client. Elles étaient tenues de travailler en équipe de 13 h. à 6 h. du matin.
   La clientèle d'Emmerich venait de la Hollande voisine. Il suffisait de traverser le Rhin et déjà on se trouvait dans "le jardin des délices" comme le prétendait la pub de "Fun Garden" avec "presque chaque jour de nouvelles filles (18+) et une happy hour l'après-midi pour 35 euros". Suivant l'étendue des "services" les clients devaient s'acquitter d'un prix à partir de 50 euros. Les femmes ne recevaient qu'une partie de la somme.
   Timmer et ses collègues ont trouvé des pièces qui prouvaient que des femmes n'étaient pas venues de leur plein gré dans le bordel. Olga G. a plusieurs fois noté dans ses livres de comptes ; environ "2000 euros pour quatre Hongroises". Les filles devaient rembourser l'argent versé [par les tenanciers] aux rabatteurs.
Parmi environ 200 femmes que la police a pu identifier, très peu ont trouvé le courage de témoigner. Elles auraient été attirées en Allemagne avec de fausses promesses puis tabassées pour que leur volonté soient brisée. Leur passeport et leur portable leur auraient été confisqués à leur arrivée dans le bordel. En revanche, deux Allemandes ont témoigné être venues de leur plein gré.
  Au final, il s'est avéré une fois de plus difficile de prouver la traite humaine devant le tribunal. Timmer avait mis en examen douze cas, dans deux seulement d'entre eux, Esed D. a été reconnu coupable. Avec sa fraude fiscal, la partie publique a eu plus de succès. Le tribunal a constaté que les tenanciers avaient fraudé les impôts et n'avaient pas versé de cotisations sociales, le tout pour un montant de 4,1 millions d'euros.
  Esed D. a été condamné à 5 ans et 9 mois de prison, sa compagne et partenaire commerciale à 2 ans et demi pour l'avoir aidé.
Le modèle serait habituel dans toute la branche, dit le défenseur d'Olga G. Andreas Kost. "[Sa mandante] ne s'est jamais considérée comme une employeuse". Les deux bordels auraient été contrôlés par le service des douanes et l'inspection du travail. Même le fisc s'était contenté de 10 euros par jour et par femme.
   En raison des difficultés existantes pour prélever les impôts dans le milieu de la prostitution, les perceptions locales de nombreuses communes ont convenu de prélever une somme forfaitaire par femme - un versement anticipé sur la future déclaration d'impôt ; en Basse-Rhénanie, 10 euros. Dans la réalité les tenanciers des bordels d'Emmerich demandaient l'argent aux femmes mais ne le versaient pas forcément au fisc. Et aucune femme n'a fait de déclaration d'impôt.
   Ce qui n'empêche pas l'avocat Kost de dire : le prétendu emploi indépendant fictif n'a jamais joué de rôle pour les fonctionnaires en relation avec les tenanciers, dans la localité". Il voit dans le jugement du tribunal de grande instance une tentative d'avoir raison de la branche". Holger Rettig du syndicat des entreprises commerciales érotiques s'inquiètent de l'effet de la décision du tribunal. "La sentence du juge de Clèves touchent plus ou moins tous ceux qui tiennent une institution prostitutionnelle". Il se serait déjà tourné vers les assureurs retraite pour qu'ils lui disent quels sont les critères qui font qu'une profession est soumise ou non au versement des cotisations sociales".
   Malgré le succès de son pourvoi en cassation, le procureur de la République Timmer a fait appel de la sentence. Ce qui le gêne c'est qu'Olga G. a été jugée comme aide et pas comme complice. Il espère surtout que la décision de justice portera sur les critères définissant l'indépendance ou non des prostituées.
À Emmerich sur le Rhin, la sentence du tribunal de grande instance n'a quand même pas fait bouger grand chose : le trafic dans Fun Garden s'est arrêté un temps très court après la descente de police. Un nouvel établissement promet maintenant "tous les jours des girls +21 internationales". Il s'appelle Sun Temple et prétend que : "les hôtes féminines sont indépendantes et fixent elles-mêmes le prix de leurs services".

Barbara Schmid (Titre original de l'article : "La comptabilité d'Olga")

Article de "Der Spiegel" 1 / 2014 p. 40/41 traduit de l'allemand par Euterpe 
 

Dans cet article (en all.) sur la même affaire, mais moins édulcoré que celui de Spiegel, cependant moins détaillé sur le plan juridique, il est dit que, d'après l'une des femmes, Nina S., qui aurait témoigné au procès, 90% des femmes de Fun Garden étaient forcées et sous la coupe d'un proxénète + qu'Olga G. les battait.