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samedi 7 juillet 2012

Où s'arrête l’affaire DSK?

La séparation du couple DSK/Sinclair a été annoncée par une dépêche AFP confirmant une information de Closer – magazine people que le couple poursuit pour atteinte à la vie privée. Mais est-ce vraiment de la vie privée?

Le 2 juillet, en milieu de soirée, une dépêche de l’AFP tombe:
«Dominique Strauss-Kahn et sa femme Anne Sinclair se sont séparés il y a environ un mois, a confirmé lundi à l'AFP une source proche de l'ancien patron du Fonds monétaire international. Cette source a précisé que le couple vit désormais dans deux logements différents à Paris et ajouté que Dominique Strauss-Kahn allait bien, même si la période était difficile. La séparation date d'environ un mois à six semaines, a encore précisé cette source sous couvert d'anonymat».
Cette information était révélée dès le jeudi soir précédent, par Closer, magazine people qui s’enorgueillissait de l’«exclu»:
«Elle y a cru jusqu'au bout, mais aujourd'hui, tout est terminé entre eux. Depuis près d'un mois, Anne Sinclair et Dominique Strauss-Kahn font appartements et vies séparés. Et c'est la journaliste qui a exigé qu'il parte…»
Dès le vendredi, Anne Sinclair et Dominique Strauss-Kahn faisaient savoir par leurs avocats qu’ils poursuivaient le magazine en justice pour «atteinte à la vie privée». Le même jour (avant l'AFP donc) Reuters assurait aussi une séparation. Le 29, le New York Times citait Closer en reprenant leur information.
A partir de quand ce qui arrive à DSK, celui qui faillit être président avant que le monde ne s’écroule sous ses pieds, finit-il de relever de l’enjeu public pour relever exclusivement de la vie privée? Quand arrêter de parler de DSK?

«Des ramifications immenses»

«Pour nous, sortir cette information sur la séparation du couple était une évidence», explique à Slate.fr Christophe Vogt, rédacteur en chef France de l’AFP, qui précise qu'ils ont mis un peu de temps à trouver une source vraiment fiable - d'où le décalage dans le temps entre la sortie de Reuters et celle de l'AFP. 

«Il peut parfois y avoir des débats sur certains sujets, mais en l’occurrence, on va largement au-delà de la séparation d’un couple de célébrités. Il y a des ramifications beaucoup plus larges, potentiellement immenses».
Anne Sinclair a été un atout dans la défense de DSK à New York, lors de la plainte déposée au pénal par Nafissatou Diallo, qui a débouché sur un non-lieu. «Je ne crois pas une seule seconde aux accusations qui sont portées contre mon mari. Je ne doute pas que son innocence soit établie», jurait-elle en mai 2011. 
L’un des axes de défense de l’ex-directeur du FMI était d’ailleurs familial. Christopher Mesnooh, un avocat du barreau de New York, confiait au Figaro au début de l’affaire:
«Les Américains observent très attentivement la présence de l'épouse dans ce type d'affaire. Si elle reste, elle apparaît comme solidaire de son mari, même si cela ne signifie pas pour autant qu'elle lui pardonne. Pour la communication, c'est très important qu'elle apparaisse digne, bien habillée et aux côtés de ses enfants. On fera ainsi en sorte que tout le monde voie les regards échangés entre les époux pendant le procès. La communication est huilée jusque dans la gestuelle.»
Surtout, l’aspect financier intervient. Anne Sinclair, très fortunée, a financé la défense de Dominique Strauss-Kahn.
«Pour l’instant il y a toujours plusieurs affaires judiciaires en cours, rappelle Christophe Vogt, notamment au civil avec Nafissatou Diallo à New York. A l’heure actuelle, juridiquement, on ne sait pas ce que veut dire leur séparation», mais éventuellement, elle pourrait provoquer l’insolvabilité de Dominique Strauss-Kahn. «C’était une information, digne d’être vérifiée et publiée, ce que nous avons fait, rigoureusement».

Vie privée, conséquences publiques

La séparation donc, constituerait en partie une affaire publique. Digne de l’intérêt des citoyens en tant que développement possible des affaires DSK, personnage public par son parcours (ministre de l’Economie et des Finances, candidat à l’investiture socialiste à la présidentielle 2007, directeur général du FMI).
Il y a un an, l’affaire du Sofitel avait semblé faire éclater des barrières dans la presse française: parce que l’on avait si longtemps tu la vie privée de DSK, et que tout jaillissait soudain, il ne fallait plus rien laisser dans l’ombre, comme dans un mouvement de repentance.
«Ce n’est pas l’affaire DSK qui a tout bouleversé», estime pourtant François Jost, sémiologue et directeur du Centre d'études sur l'image et le son médiatiques (CEISME).  
«Le rapport de la presse à la vie privée des politiques a changé en 2007, le 14 janvier, quand Nicolas Sarkozy déclare son ‘j’ai changé’. Ca a été une légitimation du passage de la vie privée dans l’action publique. Ce que Nicolas Sarkozy a poursuivi pendant son mandat, jusque dans la dernière campagne présidentielle, quand il a parlé de sa femme et de ses blessures sur le plateau de France 2. Non seulement ce n’est plus interdit de parler de la vie privée des hommes politiques, mais ce sont eux-mêmes qui l’autorisent.»

 DSK, Paris Hilton

Si parler de la vie privée des politiques quand elle a une influence sur leur parcours semble désormais légitimé, reste une question: DSK est-il encore un homme politique?
Le sociologue des médias Jean-Marie Charon juge que non. «Il est devenu un quidam. Plus personne ne sait vraiment ce qu’il fait, de quoi il vit. Il est traité comme relevant du même registre que les people semi-publiques comme Caroline de Monaco».
François Jost va plus loin encore:
«Il y a un rapport entre ce qu’on sait de DSK et les sexe-tapes de Paris Hilton et compagnie. Paris Hilton ne compte véritablement dans aucun univers, elle n’est pas grand chose, mais on raconte ses frasques, encore et encore, on ne sait plus pourquoi si ce n’est qu’elle exerce une fascination, c’est un personnage. DSK est devenu ça: un personnage. Le personnage d’homme puissant dégommé par son défaut majeur, son vice».
Paris Hilton est le personnage récurrent de la presse people depuis 2004 – année où son ex-compagnon sort leur sexe-tape sur Internet (Une Nuit dans Paris). Depuis huit ans, ses frasques, ses coucheries, ses propos font l’objet d’une couverture médiatique intense.
Déjà, les moindres faits et gestes de DSK sont ainsi rapportés. Comme dans un court article sur le site du Point cette semaine, le 4 juillet, titré: «DSK: c'est une sciatique!», contant que Strauss-Kahn était fébrile, et ajoutant: «il semble que DSK se soit blessé à la jambe».
Le «personnage» de DSK et ses menues aventures sont-ils promis à la même longévité que celle de Paris Hilton?
«Il y a une date de péremption des histoires médiatiques - c’est toujours le public qui en décide, quand il y a un effet de saturation, le sentiment que l’histoire ne progresse plus, qu’elle est redondante. C’est facile de le voir: les audiences des JT décrochent, les journaux se vendent moins, les articles cliquent moins sur le Web… »
Mais l’histoire de DSK n’est pas redondante: l’affaire de New York, l’affaire Banon, l’affaire du Carlton de Lille. Désormais la séparation. Il aura fallu un an pour que Dominique Strauss Kahn voie chaque aspect de sa vie s’écrouler. Et nombre d’incertitudes planent encore, relancées par les théories du complot comme celle dénoncée par Edward J. Epstein dans la New York Review of Books.

Le Concupiscent

François Jost le rappelle:  
«Il y a tout dans l’affaire Strauss-Kahn : le sexe, l’argent, le pouvoir. DSK a les caractères d’un bon personnage dans la tradition des pièces de Molière. Il a un ‘vice’, un trait de personnalité qui le caractérise (je ne sais pas comment il faut l’appeler), mais quelque chose qui lui colle à la peau et le fait tomber. Comme l’avare de Molière, comme le Tartuffe».
Voilà le Concupiscent.

Dernier acte

Anne Sinclair, c’était l’amour triomphant, celui qui pardonne tout. «On a là désormais un acte supplémentaire pour la tragédie. Il est à terre», selon François Jost. «On ne sait pas quel sera le dernier acte». On ne sait même pas s'il y en aura un.
Dans les médias il y a ceux qui tiennent par l’histoire à laquelle ils appartiennent. «Certains faits divers peuvent avoir une durée de vie phénoménale, comme l’affaire Grégory» rappelle Jean-Marie Charon. Ouverte le 16 octobre 1984 par le meurtre de Grégory Villemin, qui n’a que quatre ans, elle eut encore des ramifications très médiatisées en 2010, voire en 2012. Les protagonistes de l'affaire Grégory n'intéressent que dans le cadre de l'affaire Grégory.
Et il y a les personnes devenues personnages, qui comme Paris Hilton tiennent au-delà, contenant en eux-mêmes une histoire. Dominique Strauss-Kahn appartient aux deux camps. L’intérêt se porte sur les chefs d’accusation. Mais une potentielle résolution (comme si enfin on savait qui, réellement, a assassiné Grégory Villemin) ne clora pas cet intérêt.
Jean-Marie Charon rappelle ce mot d’un rédacteur en chef du Bild: «Ceux qui sont montés avec nous dans l’ascenseur redescendront avec nous dans l’ascenseur». Un homme politique qui a énormément joué de sa relation aux médias, qui a séduit, qui été raconté comme le prochain président, aura une descente aux enfers plus longue et plus dure.
Charlotte Pudlowski

Sur Slate.fr

5 commentaires:

  1. C'est simple : quand on se sert de sa vie publique et du pouvoir qu'elle confère pour se conduire comme un chacal dans sa vie privée, je ne vois pas pourquoi la vie privée resterait privée.
    De même, lorsqu'on étale complaisamment sa vie privée quand cela arrange (soutien "indéfectible" de l'épouse sacrificielle et autres conneries pour influencer la justice et l'opinion publique), la vie privée cesse d'être privée.
    De toute façon, je pense que cette séparation, c'est du flan pour protéger la fortune d'Anne Sinclair, et que le divorce va arriver juste au bon moment pour rendre DSK insolvable. Depuis un mois, ils devaient tous les deux trépigner en attendant que l'info sorte enfin. Le fait d'attaquer Closer leur garantissait que ce serait repris partout.
    Stratégie de voyous de la haute, rien ne change.

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  2. Un des aspects fascinants de cette histoire est de constater comment DSK, qui voulait être président de la République (ce qui n'est pas rien), a été incapable de sacrifier à cet objectif ses habitudes sexuelles pendant deux ou trois ans, pour se mettre à l'abri d'une histoire comme celle qui l'a fait chuter, quitte à les reprendre aussitôt élu et juridiquement intouchable.

    François Hollande a jugé, à tort ou à raison, qu'il était important, pour pouvoir être élu, de perdre une quinzaine de kilos: il l'a fait, il va pouvoir maintenant retrouver rapidement son poids habituel; DSK, lui, n'a pas été capable de sacrifier provisoirement quoi que ce soit à son ambition.

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    1. DSK avait raison de ne rien changer à ses pratiques. En France, ceux qui savaient se taisaient soit par solidarité masculine ou politique ou par peur (justifiée) de n'être pas entendu (surtout entenduE). Il a simplement cru qu'il transportait le sol de la France avec lui partout dans le monde, en bon tout puissant machiste au dessus des lois qu'il se pensait.

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    2. D'après la presse allemande, il n'a toujours rien changé et
      il continue à draguer tout ce qui passe, chaise roulante ou pas.
      Il ne s'en fait pas du tout le gars.

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  3. A Anonyme : tout à fait d'accord pour dire que cette histoire de séparation est une tactique faux-jetonne dictée par la pingrerie des Strauss-Kahn.
    Mais la presse d'y aller de sa commisération, de repasser les plats du "meurtre symbolique", du "lynchage" et tutti quanti pour forcer nos larmes et nous saoûler avec une histoire qui devrait être jugée impartialement et sans tant de bruit.

    Bonne comparaison avec Hollande. DSK, lui, est bouffi de suffisance et tient à le rester.

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