Tous les habits que nous portons et avons portés à partir du moyen-âge ont été et sont des tenues carcérales.
Puis les jupes sont devenues courtes et nous avions à montrer notre corps avec autant d'exagération que nous devions le cacher auparavant. Il fallait tout voir à travers ce qui restait de vêtements et ce qu'on voyait devait toujours ressembler à ce modèle précis : le corps baisable selon les critères masculins.
Autres critères mais même destination.
La guerre pour le port le pantalon a été longue et difficile. Mais la lutte une fois gagnée, le pantalon est devenu "féminin". Il fallait au moins qu'il dévoile la naissance de notre pubis et moule nos fesses.
Sans parler du fait que ces couvre-chefs correspondaient à l'interdiction de montrer ses cheveux.
Puis au contraire, il a fallu exhiber ses cheveux, participer au concours des plus beaux cheveux. Aujourd'hui encore, il faut les montrer, en avoir beaucoup, de très soyeux, si possible blonds. Les cheveux remplacent la parure de tête. Ils SONT la parure de tête.
Pourquoi cet historique ?
Pour dire que les tenues vestimentaires féminines europénnes et non-europénnes n'ont jamais été conçues en fonction d'autre chose que du désir masculin.
Pourquoi ?
Parce que nous avons toujours été le bétail de l'homme.
Alors, la question à présent est : comment manifester que nous nous ne voulons plus être ni vêtues ni déshabillées par les hommes ?
C'est une question qui nous laisse nues.
Lorsque les suffragistes manifestèrent pour le droit de vote des femmes, elles adoptèrent parfois une tenue blanche. La tenue de la virginité, de la candeur, de l'innnocence et de la victime sacrificielle.
Dans le contexte de l'époque c'était une excellente idée.
Dans une époque où les femmes anonymes n'étaient visibles c-à-d attirantes que comme jeunes filles en robe virginale de mariée, en vestales, en novices de couvent, dans un monde où la virginité était LA qualité sexuelle de lafâme, la seule, l'unique et sa seule marque d'une certaine forme limitée d'indépendance, c'était une bonne idée.
Mais, dans l'absolu, qu'est-ce qu'une tenue blanche sinon une tenue de morte ? C'est un linceul, la chemise du fantôme, le voile de l'être éthéré pas vraiment en vie que l'on croit distinguer dans la brume, dans un voile de fumée, dans une chemise agitée par le vent sur une corde à linge.
Aujourd'hui nous dirions que ces femmes dans cette tenue-là pouvaient avoir l'air de revendiquer leur invisibilité, leur évanescence, leur transparence diaphane de "revenantes" ou même de non-vraiment-existantes".
A notre époque saturée de pornographie, les femmes anonymes ne sont visibles que pornifiées, oh pardon... "déshinibées", dans la putasserie, oh pardon... la "conscience de leur corps" et comme godemiché publicitaire, oh pardon... "modèle de séduction", les femmes pornifio-putassifiées sont LE modèle de séduction, celles qui font bander.
Il faut montrer un corps en érection comme celui qui appâte le client de la prostitution au moment de se faire consommer.
Les choses ne s'arrangent pas. On trouve maintenant Léa Seydoux nues, jambes écartées, pubis rasé, sur le web.
C'est le nouveau code de visibilisation. Des femmes anonymes ne peuvent que passer par le désir masculin pour se faire VOIR et ENTENDRE.
La vierge que l'on voilait de blancheur a fait son temps et n'excite plus son homme. Il aime mieux mater le "matériel" celui que l'on commande par SMS.
La domination masculine nous empêche de nous faire VOIR et ENTENDRE par EUX autrement.
Sinon, bien sûr que nous pouvons nous promener en pantalon de randonnée, pas épilées, pas maquillées et pas coiffées ! Inutile, juste, de prétendre ameuter les photographes.
A moins de manifester entièrement en noir de la tête au pied comme les veuves ? Ah non car cela voudra dire que nous avons du adopter le hijab et que seule la tenue de veuve noire nous fait passser pour des êtres émancipés susceptibles d'exciter son homme !
Ou alors ajoutons-y la faux et nous ressemblerons à la mort. La mort du viriarcat.
Comment mettre à bas ce système qui nous réduit à un corps désincarné ou trop incarné quant il n'est pas complètement escamoté ?
Difficile. Les Femen et la Barbe ont leur réponse. Frappons vite et fort car le retour du vêtement carcéral n'est pas loin. Nudité pornographique ou corps escamoté. Viande ou vapeur ? Ils passent de l'un à l'autre et ne nous veulent pas libre c'est à dire vivante. Tâchons de l'être sans leur permission.
Lire aussi : vive les féministes à poil de Marie de Cenival
Autre analyse du look militant ici.
En ce moment, il y a tous les jours une campagne de presse très offensive visant à décrédibiliser les Femen. Le magazine ELLE qui a la hargne est le plus actif à y participer. Aux dernières nouvelles les Femen seraient juste les marionnettes d'un baiseur cynique qui utiliserait le féminisme pour avoir accès à de belles idiotes avec rien dans la tête. Tout ceci est faux, bien entendu. Quand à l'homme en question, personne ne parle de son état actuel : défiguré, mâchoire et dents cassées ainsi que d'autres os du crâne. C'est un non-sujet. On ne se demande pas non plus pourquoi il aurait choisi le féminisme plutôt que le proxénétisme, ce qui lui aurait apporté nettement plus de belles filles avec encore moins dans le crâne et nettement moins d'emmerdements !
Cette campagne est odieuse et m'évoque ce que racontait Gisèle Halimi dans "La cause des femmes" quand elle défendait des militantEs pour l'indépendance en Afrique que l'on discréditait en insinuant qu'elles étaient venues là non pas en raison de leurs convictions mais pour baiser avec des rebelles africains.
G.H. écrivait alors que l'on ramène toujours les femmes à leur sexe quand on veut vider leur lutte de sa substance. Que c'est odieux et déloyal. Et voyez : si un homme est pro-féministe alors c'est, en fait, un baiseur. Cette méthode qui a fait ses preuves et a été inlassablement utilisée pour les femmes peut très bien servir pour les hommes.
Le magazine ELLE, propriété du marchand de lavement de cerveaux, Lagardère, donc grand magazine féministe, hein, pas du tout tenu par le"patriarche" Arnaud Lagardère dont le réseau d'influence est décrit comme suit sur Wikipédia, je cite : "Depuis les années 2000, Nicolas Sarkozy le considère publiquement comme « un frère »30. Parmi le réseau de relations d'Arnaud Lagardère, on compte des personnalités appartenant au monde des entreprises ou de l'univers politique comme Henri de Castries, Martin Bouygues, Bernard Arnault, François-Henri Pinault (fils de François Pinault), Nicolas Sarkozy, Thierry Breton, Tony Blair ou....... Dominique Strauss-Kahn (tiens, tiens, une vieille connaissance), à l'air de se sentir gravement mis en danger par le Femenisme.Pas étonnant avec cette pléthore d'hommes puissants se cachant derrière ce torchon soit-disant favorable aux femmes !
Je vais être hors de ton sujet , mais en Bretagne La MORT c'est L'ANKOU dans les traditions céltiques .... L'ANKOU est un personnage masculin vétu comme un paysan d'autrefois . Il rassemblait les âmes des morts dans sa charette aux roues grinçantes ... Et lorsqu'il passait sur la lande par une nuit de brouillard alors tu sentais le froid te pénétrer jusqu'aux os .....
RépondreSupprimerLorsque je travaillais en Bretagne dans une ferme perdue quelque part , la patronne qui était un peu folle (bon , moi aussi je le suis) voyait parfois à la tombée du soir apparaitre un chevreau noir annonciateur de l'ankou selon elle ..... Alors elle rentrait dans la maison en criant "J'ai vu le chevreau noir ! J'ai vu le chevreau noir !" ..... Rien que d'y penser à cette vieille femme Bretonne qui perdait la raison j'en ai encore le sang glacé , mais je l'aimais bien au fond ..... Elle était vétue comme une paysanne d'un autre siècle ... Oui vraiment c'était une femme étrange , bien étrange qui a compté dans ma vie ..... Je m'attriste encore de sa folie qui l'envahissait de plus en plus et la laissait blessée , muette , enfermée dans sa solitude absolue ..... Sans doute aurais-je voulu la consoler , mais son coeur était déja inaccécible aux choses de ce monde et il me semblait parfois entendre dans la nuit les roues de la charette de l'Ankou et je pense que j'entandais en moi la peur qu'elle portait en elle , toutes ces voix des morts qui lui parlaient en secret ...... Je pense souvent à cette vieille femme et je crois qu'il n'existe plus aucune femme semblable à elle , où que ce soit .......
Il y a aussi les apparitions de Dames blanches qui sont des fées et des fantômes annonciatrices de mort dans les légendes. L'elfe Galadriel y fait un peu penser, sinon comme autre personnage féminin important du Seigneur des anneaux, il y a la princesse guerrière Eowyn qui tue le chef des Nazguls, l'un des méchants les plus coriaces de la trilogie. Elle est vêtue d'une armure ça me paraît peut-être plus judicieux que d'aller nue, on peut se protéger des coups, c'est s'approprier un code masculin comme pour les militantes de la Barbe, même si ça plairait sans doute plus aux filles qui aiment les univers d'héroïc-fantasy.
SupprimerOui ! une armure , bien sûr c'est bien mais c'est lourd et ça gêne un peu pour bouger et si tu as envie de faire pipi c'est trop compliqué .... Mais l'idée est bonne à condition de modifier l'armure , de l'améliorer ..... Et puis il y a des armures très sexy .... Le mieux c'est de s'inventer une armure arachnéenne ou une armure de rêves ... Mais c'est assez difficile ...
Supprimer@ Stéphanie : oui avant que l'on soit colonisé.e.s par les USA, la mort avait autant de formes qu'il y avait de cultures. Je pense aux Parques et à Hécate pour les Grec.que.s, par exemple.
SupprimerMaintenant c'est la soutane de moine dont on ne voit pas l'intérieur, avec un "bras" tenant une faux. Une figure très anglo-saxone issu de l'époque où les moines pullulaient dans les campagnes : moines quêteurs, moines pélerins et bien sûr moines paysans.
@ Ismène : l'armure n'est pas une bonne idée pour plusieurs raisons : d'abord parce qu'elle donne à penser que l'on est en position de défense. Curieusement les seins nus sont en réalité une position d'attaque. Dévoiler brutalement son corps réveille l'ennemi endormi. Les exhibitionnistes le savent qui font fuir leurs victimes en dévoilant brutalement leur sexe turgescent comme une arme prête à leur tirer dessus. Sauf que les seins n'ont rien de sexuel.
SupprimerL'armure, cela me fait penser à une époque où j'observais les mouvements féministes auxquels, bien que nourrissant des idées féministes, je n'avais pas envie de m'associer parce que, par exemple, je les entendaient crier dans la rue "Laissez-nous tranquiiiiillle !" alors que personne ne leur faisait rien. Cela semblait atrocement ridicule et me faisait honte.
L'armure c'est un peu comme dire : vous nous agressez, nous nous défendons" dans des situations où l'agression n'est qu'affirmée de façon abstraite sans contexte visible. C'est un peu se victimiser arbitrairement. Il faudrait ajouter un cheval et une bannière, alors ! Sauf qu'on aurait Jeanne d'Arc et que cela a déjà été fait dans les années 1910 + récupéré maintenant par l'extrême-droite.
Voilà un peu mon point de vue sur l'armure.
Sans compter que l'idée de ce billet c'est de dire qu'il s'agit d'attirer l'attention sur le problème de la phallocratie en appâtant la mâlitude avec la seule chose qui lui sert de cerveau : son phallus.
C'est rédhibitoire mais c'est comme ça, malheureusement !
J'aime beaucoup ce billet : finalement, habillées, habillées-déshabillées, ou nues, nous avons toujours tort ! Encore un sale tour du patriarcacat.
RépondreSupprimerOui, j'ai beaucoup aimé l'intervention d'Inna Shevchenko que l'on critique tant parce qu'elle n'aurait pas lu les fondamentaux féministes (sauf que Emmeline Pankhurst n'avait pas non plus lu Christine Delphy, il me semble) sur la chaîne de télévision al jaizira où elle a dit : le hijab n'est pas un vêtement de femme mais d'homme.C'est très lapidaire et VRAI. Et finalement en tant qu'êtres dominés TOUT en nous est le reflet de la domination. Nos vêtements sont des vêtements de dominées comme le collier de chien et sa laisse ! Bien sûr nous pouvons nous habiller un peu comme nous voulons sauf que quand il s'agit de se faire reconnaître par les hommes, il faut endosser les fringues (ou l'absence de fringues) qu'ILS veulent nous voir porter !
Supprimer