LE PLUS. Michel Taubmann, biographe de DSK, sort prochainement un livre sur les dessous de l'affaire du Sofitel. Fervent plaidoyer en faveur du favori déchu, ce livre tente de nous démontrer à quel point DSK est, en quelque sorte, une victime de l'amour. On y croirait presque. Mais en fait, non.
Il y a encore une semaine, l'avocat de Dominique Strauss Kahn dénonçait la mise à mort de son client, déjà à terre, par "une campagne nauséabonde, racoleuse, grotesque au nom de la vertu", une "mise à mort médiatique".
Puis, ce fut au tour du couple Strauss Kahn/Sinclair de porter plainte contre ces journaux "tabloïds" au nom de l'atteinte à leur vie privée, la publication des "sextos" ayant été le sms qui a fait déborder le vase. Une plainte a également été déposée contre Henri Guaino, conseiller et plume de Nicolas Sarkozy.
Ces plaintes ont été déposées, disait-il, au nom d'un voyeurisme le plus détestable
Déjà là, il était question de regard. Et de regard, il est encore question aujourd'hui, du nôtre dans sa chambre à coucher, ou dans ses chambres d'hôtel, et c'est DSK lui-même qui nous en ouvre les portes et nous invite à jeter un œil sur ses frasques sexuelles.
Etonnante attitude d'un homme qui la semaine précédente clamait son droit à la vie privée, attaquant en justice ceux qui y mettaient un cil, revendiquant le droit le plus légitime au respect de sa dignité, et qui la semaine suivante étale lui-même dans un livre témoignage, ses confessions sur ces moments intimes qu'il prétendait vouloir protéger.
Schizophrénique.
Et surtout incompréhensible.
Car enfin, quel est l'intérêt de ce livre ? Convaincre qui ? sa famille, ses proches ? Ou se convaincre lui-même ?
Et puis, peut-on crier à l'acharnement médiatique le lundi pour s'étaler ainsi le jeudi dans cette même presse qu'on fustige ?
Il est vrai que lorsqu'il s'agit de promotion personnelle on peut difficilement parler d'acharnement médiatique, tout au plus de publicité éhontée et de storytelling.
Nous sommes donc non seulement invités à regarder dans le caleçon d'un ex-futur président, invités par lui-même, mais aussi, à partir du moment où ce dernier nous dévoile son intimité et nous livre une théorie de complot, à pouvoir en discuter.
Après en avoir été chassés à coups de pieds aux fesses, nous voilà autorisés et même encouragés à revenir glisser un œil dans cette fameuse chambre à coucher du Sofitel, et à commenter, comme on commenterait n'importe quel autre ouvrage, n'importe quel témoignage, n'importe quel autre fait d'actualité, aussi.
J'ai encore en tête les propos un brin fatigués de leur ami Patrick Bruel au Grand Journal, il y a quelques jours, qui demandait à ce qu'on leave DSK alone, enough is enough. Désolée, Patrick.
Et que nous apprend, via Taubman, son biographe officiel (et plus encore), l'ex patron du FMI, Dominique Strauss Kahn ?
"Sortant de la salle de bains en tenue d'Adam, le directeur général du FMI se retrouve face à Nafissatou Diallo qu'il voit pour la première fois. La jeune Guinéenne paraît surprise, mais nullement terrifiée. DSK n'est pas bégueule. (...) Nafissatou Diallo, traversant la chambre, se dirige vers la sortie. Mais elle ne se hâte guère. Strauss-Kahn s'en aperçoit. Il la suit du regard dans le couloir. Nafissatou Diallo se retourne. Elle le fixe droit dans les yeux. Puis elle regarde ostensiblement son sexe. La chair est faible. (...) Il ne résiste pas à la tentation d'une fellation."
On appréciera le "DSK n'est pas bégueule" en s'interrogeant sur son sens comme on a pu s'interroger sur celui de "matériel", pour s'intéresser à cette histoire de regard : elle le regarde, il la regarde, elle le regarde, il la regarde... et il lui saute dessus car il y lit "une invitation".
C'est l'effet Impulse, soudain une inconnue vous offre une fellation.
Pour ma part, je pense aussitôt à d'autres regards, comme ceux que pour avoir le malheur de lancer, dans certains RER ou à la Gare du Nord, sont des invitations à se faire insulter en retour, quand ce n'est pas à être franchement menacés.
Wesh gros, on ne vit pas dans le même monde, d'un côté celui des clubs échangistes, de l'autre, celui du monde réel.
Dans le monde merveilleux de DSK, un regard appuyé est une invitation à la galipette, dans le nôtre, un regard appuyé est plus souvent une invitation au poing dans la gueule.
Et de regard, il est encore question dans une phrase qui m'a laissée totalement perplexe, ou plus exactement stupéfaite, pour tout ce qu'elle révèle.
"Lors de ces soirées galantes, DSK ne débourse jamais un centime. Il ne se pose pas la question de savoir si ses partenaires d'un soir sont rémunérées, ce qui n'est pas systématique."
C'est absolument fantastique.
Donc voilà un homme qui baise à tout va avec des femmes qui ne le connaissent pas, et c'est bien là son droit, des femmes tellement enthousiastes à l'idée de coucher avec lui qu'elles vont jusqu'à traverser l'Atlantique pour une partie de jambes en l'air. Voilà un homme qui pense sincèrement que "dès qu'il touche une femme, il est persuadé qu'il fait son bonheur" et qui ne s'interroge pas sur leurs motivations réelles, qui ne se doute pas qu'elles puissent être bien matérielles leurs motivations, et non liées à son charme qu'il croit irrésistible.
Un homme qui n'aurait pas pensé une seule seconde qu'il puisse s'agir de prostituées, payées par ses camarades de libertinage ? Et qui n'aurait pas pensé une seule fois qu'un tel cadeau ne peut se faire sans attente en retour ? Qu'il pouvait devenir, en les acceptant, vulnérable et que de connivence à compromission, il n'y a justement qu'une histoire de regard ?
Soit il est vraiment naïf, soit il nous prend pour des imbéciles.
Ou alors, il vit tellement sur une autre planète qu'il n'a même plus de contact avec la réalité, celle des calculateurs, des manipulateurs, celle aussi des gens qui ont tellement de pouvoir qu'ils ne s'imaginent même plus qu'on puisse leur résister et qui trouvent normal que de belles et jeunes femmes traversent l'océan pour avoir juste l'honneur et le plaisir indicible de se faire sauter par un ventripotent et grisonnant patron du FMI.
Normal quoi.
Toujours cette histoire de regard.
Celui qu'on peut, ou pas, avoir l'honnêteté de porter sur soi, ses turpitudes et surtout sur son aveuglement.
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