Verbatim de l'interview de Myrta Merlino sur DSK
Myrta
Merlino est une journaliste italienne de 44 ans. Elle a commencé sa
carrière de journaliste économique à La Rai. Désormais sur la chaîne la7,
qui appartient à Urbano Cairo, l'ancien assistant personnel de Silvio
Berlusconi, elle présente "Le climat actuel", émission dans laquelle
elle reçoit divers acteurs de la vie économique italienne.
La traduction est de Riccardo Antoniucci, chercheur, éditeur et traducteur italien qui administre la rubrique Francesismi du Rasoio di Occam, partie de la revue italienne MicroMega consacrée à la philosophie.
Intervieweur (Klaus Davi) – Pendant
votre carrière de journaliste vous avez été confrontée à une situation
très désagréable, qui reste d’actualité. C’est quelque chose qui s’est
passé à Davos, où vous étiez allée interviewer Dominique Strauss-Khan,
qui était encore à l’époque très puissant. Que s’est-il passé ?
Myrta Merlino – Strauss-Kahn
était à l’époque ministre de l’Economie du gouvernement français. Moi
j’étais arrivée à Davos à la suite d’Alan Friedman, qui était alors mon
chef, car j’étais l’une des auteurs de son programme télévisé
«Maastricht Italia». Je voulais profiter du fait d’avoir tous les
puissants réunis dans un seul endroit, dans ce petit village de
montagne, et essayer donc de faire le plus d’interviews possibles. Parmi
les entretiens que j’avais sollicités, il y en avait un avec
Strauss-Khan, qui avait, par ailleurs, un bureau de presse dirigé par
une femme terrible, très antipathique et très dure qui m’expliqua que
c’était impossible, car Strauss-Khan était très chargé puisqu’il
accorderait des interviews à des télévisions majeures, comme CNN et
France 2. Pendant que je
discutais avec elle, le ministre arrive et me remarque, puis il se
rapproche et dit qu’il veut absolument m’accorder un entretien, et que
même si c’était une journée très difficile, nous pourrions nous voir au
bar de son hôtel à 20h. Il s’agissait du grand hôtel où tous les
«grands» conviés à Davos passent leurs nuits. Un rendez-vous comme
celui-là ne me semblait donc pas anormal : je venais tout juste
d’interviewer Gordon Brown dans le même bar. Je suis donc partie
tranquille avec mon caméraman. Au bar, on me remet une coupelle en
argent avec une petite carte qui disait que le ministre m’attendait dans
sa suite. Là encore rien ne m’a perturbée dans cette proposition,
puisque j’imaginais une très vaste suite avec une salle de réunion. Tout
me semblait normal. Je montai donc suivie par mon caméraman, et
Strauss-Kahn ouvrit la porte en robe de chambre. C’est alors que je
commençai à ressentir qu'il y avait quelque chose d’anomal. Mais je
voulais à tout prix faire cette interview, qui était si importante. Il
me dit de faire attendre le caméraman dehors, pour que nous nous
accordions sur le contenu de l’entretien. Je rentrai seule donc, et
m’assis sur un fauteuil. Il y avait des grandes flutes de champagne… et
puis il commença une conversation tout à fait étrangère à notre
interview, alors je dis que j’avais d’autres rendez-vous après et
demandai si on pouvait en venir à l’interview. Autrement dit, je tentais
de m’en sortir. Il commença alors à me faire effrontément la cour, me
disant qu’il adorait les journalistes. Je lui répondis que j’estimais
beaucoup sa femme, excellente journaliste, et que je l’admirais même. Il
répondit que lui il aimait toutes les
journalistes. Bon, évidemment, après cette saynète, j’avais compris que
ça allait mal tourner, et je me levai. C’est alors qu’il me poussa
contre le mur et essaya de m’embrasser. Je lui donnai un gifle et je
réussis à sortir de la chambre, bouleversée, évidemment. Je rejoignis
Alan, mon caméraman, qui me dit très à propos, comme le font souvent les
hommes, que j’aurais pu quand même
essayer d’en tirer une interview… Mais en tout cas, là, je veux le dire
très franchement, aussi après avoir lu le récit d’autres violences
sexuelles commises par Strauss-Kahn, que, bien que je pensais que DSK
devait bien avoir des habitudes sexuelles très discutables (c’est le
moins qu’on puisse dire), ça me semble tout de même fou de croire qu’il
ait pu violer une femme gaillarde, mesurant 1 mètre 90. Parce que si DSK
a bien évidemment des habitudes de cochon, en même temps je crois que,
si l’on arrive à réagir à temps, Strauss-Kahn n’est pas le genre d’homme
qui est capable de faire violence. Il m’a paru plutôt le type «ambigu»,
paillard, et mon cas le montre : je lui file une claque et fini, rien
ne va plus. De plus, à l’époque moi je n’ai pas eu l’idée de dénoncer le
fait, voire d’en parler, parce que même s’il s’agissait de quelque
chose de très désagréable pour moi, je ne me sentais pas blessée en
profondeur. Bref, je ne me sentais pas victime d’une violence ; plutôt
victime d’un con profitant de sa position de puissant.
Cependant,
si dans le cas d’une femme en quelque sorte «solide» comme vous l’êtes
on ne peut pas parler de violence au sens strict, il n’en va pas de même
pour toute femme plus fragile que vous, à l’égard de laquelle l’acte
que vous avez décrit reste tout à fait une violence. Qu’en pensez-vous ?
M. M. –
Tout à fait. Le problème tient bien évidemment à la «position» de DSK à
l’époque : une position importante, puissante, qui dans ce monde
devient très facilement une arme pour convaincre les gens de faire ce
qu’ils ne voudraient pas faire. Je me rends donc bien compte que le
problème existe, et qu’il s’agit là d’un mode horrible de rapport des
hommes aux femmes, mais dans certains cas, je crois…
Excusez-moi,
mais même si de fait il ne s’est pas agi d’une violence, ça reste une
tentative de violence, donc en principe une violence tout court…
M. M. –
Oui, oui, je ne dis pas le contraire. Surtout que c’est une homme
puissant, âgé, qui met sous pression une jeune femme, comme dans mon
cas : on a affaire bien sûr à quelque chose de désagréable qui ne va pas
du tout, mais il faut dire aussi que dans ma longue carrière de
journaliste cela reste un épisode unique : je ne me suis plus confrontée
à des conduites comme celle-là. Je veux dire que si l’on se présente
d’une manière sérieuse et normale, sans clins d’œil, finalement les
occasions de ce genre sont rares. Je n’en ferais pas un drame.
Vous l’avez rencontré depuis ?
M. M. –
Oui, on s’est rencontrés à nouveau le jour suivant. Mine de rien, il me
donna son numéro en plus, en me disant qu’on pouvait se rencontrer
encore à Paris... Un type qui a vraiment du culot, dirais-je. Cela veut
dire qu’alors que pour moi c’était incroyable, pour lui c’était tout
simplement une habitude de se conduire comme ça…
On est dans le pathologique…
M. M. –
Il fait ça avec toutes les femmes qu’il connaît. Et on sait d’ailleurs
la quantité d’amantes et de liaisons dont il peut se vanter… Bref, il
tente le coup, puis si ça va à bon port, ok, sinon on est plus amis que
jamais.
Mais à votre avis quelle part joue la complicité des femmes dans ce genre de conduites au seuil de la violence ?
M. M. – Beaucoup, je crois. Je veux dire qu’étant donné l’organisation de nos sociétés, il arrive bien souvent…
Alors c’est pour cela que vous avez mis beaucoup plus de temps que d’autres à faire carrière ?
M. M. –
Vittorio Sgarbi un jour m’a dit que si je passais à l’antenne à des
horaires si terribles c’était parce que je ne cède pas aux avances des
hommes.
Vous être marié vous, et avec un homme…
M. M. –
Oui, je veux dire que moi je ne veux pas jouer à la vieille ringarde : à
chacun sa manière de se conduire. Mais dans mon cas personnel, ma vie
privée et ma vie professionnelle sont bien séparées. Parce que cela
tient pour moi à de la salubrité d’esprit. Ma vie sentimentale, c’est le
cœur, ma vie professionnelle, c’est affaire d’affirmation, de
construction de moi-même. Si j’avais fait même un petit bout de ma
carrière grâce à quelqu’un d’autre, cela me semblerait mortifiant pour
moi.
RTL
précise que "dans une interview donnée à ses collègues de La Femme
Moderne le 9 mai 2012, elle a confié qu'elle avait à plusieurs reprises
profité de son physique avantageux pour obtenir 'des demandes' ou des
informations de la part de responsables politiques. Ces
derniers lui parlaient d'autant plus facilement, explique-t-elle,
qu'ils ne s'attendaient pas à avoir en face d'eux une interlocutrice
capable de suivre une conversation complexe à propos d'économie." Information
qui reste à vérifier... Riccardo Antoniucci, d'ailleurs, vient de
m'avertir qu'elle qu'elle dit seulement dans cet entretien qu'elle a profité
du fait que les hommes, en règle générale, la voyant jeune et surtout
femme, ne l'estimaient pas du tout capable de suivre des discours
économiques compliqués. Elle se contente de dire que "parfois (elle a)
profité de cette naïveté apparente" pour mener le discours où elle le
voulait et puis "clouer les interlocuteurs au mur avec une belle
question bien pointue".
Néanmoins,
on ne peut qu'être étonnée de ce qu'elle ne s'avise pas spontanément
que les situations d'une femme de chambre dans une suite verrouillée et
d'une journaliste économique dont le caméraman l'attend à la porte ne
sont pas comparables. L'on observera en outre qu'elle s'emploie à
disqualifier celles qui ont douloureusement vécu le fait d'avoir été
agressée par DSK, et discrédite l'accusation de viol portée par
Nafissatou Diallo. Une autre Marcela Iacub ?
À lire ici
Je suis certaine que Nafissatou Diallo et Tristane Banon ne sont pas les seules victimes de DSK. Quand il est question de viol, seules quelques-unes se manifestent et l'immense majorité demeure dans les ténèbres du non-dit.
RépondreSupprimerOui, parce qu'elles n'ont pas envie d'avoir leur nom associé à une agression sexuelle et de se retrouver étiquetée victime. C'est pour cela que cette journaliste italienne se présente comme une femme forte qui aurait montré à cet agresseur de quel bois elle se chauffait soi-disant.
SupprimerMais en réalité, elle a du avoir bien plus peur qu'elle ne le dit et être plus choquée que cela.
Tout le problème pour les femmes à qui il est arrivé d'être coincée par DSK c'est de dire ce qui s'est passé en ne s'en trouvant pas profondémment humiliée.