Prostitution : Je n’étais qu’une marchandise
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Par Rosen Hicher (Ex-prostituée, membre des Survivantes)
J'ai été prostituée pendant plus de vingt ans. Dans la pénombre des bars, j'ai été soumise au « bon plaisir » des clients. J'y ai subi leurs insultes, leurs exigences humiliantes. J'ai côtoyé des Françaises en pleine détresse et des victimes de la traite venues de pays en ruine ; toutes mourant à petit feu ; toutes ou presque manipulées par un réseau ou un salaud, petit proxo ou grand trafiquant dont le job est de fournir au client la « marchandise » qu'il convoite.
LES SANS-VOIXAujourd'hui, au nom de toutes les sans-voix, de toutes ces femmes interdites de parole, je veux vous dire ma colère ! Que croyez-vous ? Que notre silence est le signe de notre acceptation ? Mais regardez-vous ! Nous nous taisons à cause de votre jugement, de votre mépris ! Car soit nous avons peur, soit nous avons honte ! Malgré tous les beaux discours, vous nous considérez comme des moins que rien ; en un mot, comme des « putes ».
Que pouvez-vous savoir, dans ces conditions, de nos larmes quand le client a tourné le dos ? De notre désespoir, de notre sentiment d'abandon, de notre révolte face à ces hommes qui nous salissent et volent jusqu'à notre intimité ? Que savez-vous de notre détresse ? De la peur au ventre qui nous saisit à chaque passe ?
Vous aimez penser que nous avons le choix. J'en rirais si j'avais encore la force d'en rire. Pour moi, comme pour beaucoup de celles que j'ai rencontrées, tout a commencé par les belles paroles d'un homme. Il était beau et me couvrait de cadeaux, moi qui n'avais jamais rien reçu, sinon la violence de mon père et les viols de mon oncle. Je l'ai cru.
Pas de chance : il était mac. J'avais 17 ans, j'étais en fugue. Il m'a prise en stop et balancée dans les « tournantes » pour me préparer à mon futur statut de femme vendable, de femme jetable. Ces hommes sont des prédateurs. Ils s'attaquent aux plus vulnérables, flairent « la bonne pute ». Après, il nous reste à nous montrer grandes gueules pour éviter les violences et les perversions des clients que notre fragilité excite.
Je suis donc tombée dedans. Et j'ai mis vingt-deux ans à en sortir. Vingt-deux ans de violences sexuelles, arrosées de beaucoup d'alcool pour tenir le coup, pour ne pas voir, ne pas sentir. Quand on est dedans, on ne peut rien faire d'autre que dire : c'est bien ! C'est pour ma famille, c'est pour mes enfants ! Sinon on s'effondrerait, comme un château de cartes. Moi, un temps, j'ai même défendu la prostitution et revendiqué les maisons closes !
UNE VIE SANS VIE
Pourquoi n'as-tu rien fait pour changer de vie, allez-vous dire ? Mais qui embaucherait une femme sans passé ? Je n'ai plus de vie ; si, une vie éteinte, une vie sans vie. Je ne sais plus chercher, je ne sais plus me vendre. Car il faut se vendre et moi, je ne sais que vendre mon corps. Vendre mon courage, mon ardeur, ma force, démontrer que je sais travailler, mais comment ? Et faire quoi ? Je ne sais plus.
Je me suis perdue en route ; comme si j'étais morte sans m'en rendre compte. A force de m'absenter de moi-même pour résister aux assauts de tous ces hommes, j'ai le sentiment de vivre dans une bulle au-dessus de mon corps. Je ne ressens plus rien. Je voudrais tellement me réhabiter ! Mais je ne m'aime plus, je déteste la femme que je suis devenue. Leur souvenir me poursuit : des mains me touchent, des ventres tous plus gros les uns que les autres, des peaux rugueuses et sales…
Les clients ne peuvent pas aimer, ils ne peuvent que baiser. Je suis une marchandise qu'ils achètent, comment pourrais-je encore être moi ? Clients, je vous accuse ! Et j'accuse la société qui ne m'a pas aidée à sortir de cette entreprise de démolition.
Vous croyez que mon histoire date ? Qu'aujourd'hui les filles sont libres ? Non, je les rencontre, elles me parlent. Et leur histoire n'a pas bougé d'un pouce. Le décor change, la rue Saint-Denis est remplacée par Internet, les bordels par les bars à hôtesses, mais leur vulnérabilité est la même. Et vous persistez à l'exploiter sans vouloir savoir, en vous berçant de fantasmes et de littérature.
Quand on survit – car beaucoup en sont mortes et en mourront encore –, on est détruite à jamais. Aujourd'hui, je vous le demande : aussi dérangeante soit-elle, regardez la réalité en face. Vous parlez de risques sanitaires, de clandestinité. Mais la clandestinité est dans la chambre, quand la porte se referme et nous laisse seule aux mains du client ! Ce qui ravage notre santé, ce n'est pas le lieu où s'exerce la prostitution. C'est la prostitution.
Et puis regardez enfin mes soeurs prostituées comme des femmes, pas comme des « putes » ! Des femmes que seule une loi pourra protéger, désintoxiquer de toutes leurs dépendances : la came, l'alcool, les macs. Je veux leur dire que c'est possible. J'y crois. J'y suis arrivée.
La femme prostituée est privée de tous les droits fondamentaux sur sa propre personne, sa situation est le reflet de celle de n'importe quelle femme qui risque n'importe quand de perdre ses droits si un homme décide de prendre possession de son corps - viol - ou de sa progéniture. Et dans ce dernier cas, les lois lui donnent même leur bénédiction !
RépondreSupprimerhttp://blogs.rue89.com/americanmiroir/2013/11/26/une-femme-enceinte-est-elle-libre-de-ses-mouvements-231780
Et puis Badinter est également pour la GPA, en toute bonne logique.
SupprimerIl s'agit bien entendu de servitude...au service des plus riches. Quant aux médias, ils servent à grosses louches la soupe aux plus riches.
On revient en arrière.
Si la loi sur l'abolition n'est pas votée alors personnellement je concidérerai le PS comme un parti pourri , complice de crimes contre l'humanité ..... Et à jetter à la poubelle de l'histoire .....
RépondreSupprimerOui, ils sont en train de la vider au maximum pour qu'il n'en reste rien. C'est mon impression.
SupprimerMais s'ils font cela, il y aura du grabuge. Celles et ceux qui défendent vraiment les droits humains en ont ras la casquette.
D'autre part, quand ils auront des prostituées jusque sous leur balcon comme en Allemagne, ils n'auront plus l'occasion de se poser tant de questions.
Si on arrête pas la traite humaine, on contribue à l'amplifier.
Quand on ne met pas fin à un tel phénomène, on l'encourage.
La GÔCHE , cette gauche veule , soumise au capitalisme le plus dégueulasse a déjà fait perdre 50 ans d'évolution à l'écologie en France , parce que la France était préte aux changements écologiques dans les années 60 et 70 ......
SupprimerSi la loi sur l'abolition n'est pas votée alors cette gÔche moisie fera perdre plusieurs siècles d'évolution à l'humanité .......
Il ne s'agit plus de débattre entre utopie et pragmatisme : La position abolitionniste serait purement utopique (?) et les reglementaristes seraient des pragmatiques ? ....... Bon , soit ! alors être pragmatique cela signifie quoi ? ....... Eliminer les vieux inutiles , les handicapés mentaux , les chomeurs , les femmes trop grosses , les diabétiques ...... Bon , je préferre l'utopie , vive l'utopie humaniste alors car c'est cela l'abolitionnisme , rien d'autre ...... Alors quel débat ? entre les mérites comparés du totalitarisme bien pragmatique de l'ordre établi multi millénaire ...... et quoi ? l'utopie ? l'idéalisme oui certainement , et la morale oui , la morale humaniste qui prend des risques parce qu'il n'y a jamais de libertés sans risques ..... C'est cela l'abolition : prendre le risque de déranger l'ordre établi de la prostitution institutionnalisée depuis des millénaires ....... Si l'humanité cesse d'évoluer alors elle est condamnée à disparaitre étouffée par sa propre merde conformiste paternaliste .......
Bon , je t'envoie mon com' brut de fonderie sans relire .....
Oui mais la France n'est pas isolée. La Suisse ne sait plus où planquer ses prostituées, elle envisage de faire un virage à 90°, l'Allemagne croule sous les bordels, l'Autriche est également aux premières loges question trafic et sature aussi. S'ils mettent fin à la légalisation et que la France prend des résolutions mollasses tout le trafic va se rabattre chez elle. Ils vont pas rigoler longtemps.
SupprimerParce que le trafic c'est toute la Roumanie, la Bulgarie, l'Ukraine, la Hongrie sans parler des Africaines, des Chinoises et bientôt les Philippines.
Mollasson ou pas, il y a un moment où c'est plus possible de faire l'autruche et de rameuter ses parasites de nanti.e.s. Les coups de pied au Q pleuvent tout seul.
Les réglementaristes (ou prosti-tueurs , je preferre ce néologisme plus parlant) accusent les abolitionnistes de vouloir un ordre moral ......
RépondreSupprimerBon , alors , une société sans morale ce serait quoi au juste ? ......
"La liberté de chacun blablabla" c'est du bidon cette phrase là parce que la liberté de chacun ne s'arrete pas là où bllablabla ...... La liberté de chacun doit se développer avec celle des autres et de tous ....... Dans une société il ne peut pas y avoir des tas de petites "libertés" juxtaposées qui se toléreraient gentiment comme ça par miracle ....... La liberté en société passe par des lois communes qui transcendent les intérêts particuliers ..... L'abolitionnisme va dans ce sens .... L'abolitionnisme va bien au delà de cet argument débile , étriqué , mésquin , de la petite liberté de merde de chacun de faire n'importe quelle saloperie dans son coin , sous prétexte que ça ne dérangerait pas la "liberté" de merde du voisin .... Parce que ça c'est vraiment nul et on ne battit aucune société sur une telle merde ......
L'abolition c'est la liberté de tous , tous ensemble . C'est le progrès de la conscience humaine ..... Et oui ! c'est de la morale ! et alors tant mieux ! parce que les sociétés sans morale n'existent pas et que la morale commune passe par les lois communes ........ Alors , la vie privée ? ...... Foutaise ! Si je viole et torture en privé alors il n'y a plus rien là de privé .... Parce que cela sort du domaine du droit privé si j'abuse du corps d'une autre personne pour quelque raison que ce soit ...... La prostitution est en plein dans ce cas de l'abus de faiblesse sur personne vulnérable ......
Bon , j'écris en vrac et n'importe comment parce que j'ai lu des articles de quelques pouffiasses prosti-tueuses alors ......
"Tout ce qui est privé est politique" (Ulrike Meinhof)
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